Vies des douze Césars
« betizare ». Il disait « simus » pour sumus », et au génitif singulier « domos » pour « domuos ». Il n’écrivait jamais autrement ces deux mots pour faire croire que c’était une habitude plutôt qu’une faute. (3) Dans ses manuscrits, j’ai remarqué surtout qu’il ne séparait pas les mots, et qu’au lieu de rejeter à la ligne les lettres excédantes, il les plaçait sous le mot, en les entourant d’un trait.
LXXXVIII. Son orthographe
(1) Loin de suivre exactement les principes et les règles d’orthographe établis par les grammairiens, il paraît avoir été plutôt de l’avis de ceux qui pensent qu’on doit écrire comme on parle. (2) Quant aux lettres et aux syllabes qu’il intervertissait ou qu’il passait, c’est une faute commune à tout le monde. Je n’en parlerais même pas, si je n’étais surpris que des historiens rapportent qu’il fit remplacer le lieutenant d’un consul, sous prétexte qu’il était tellement ignorant et grossier, qu’il avait écrit « ixi » pour « ipsi ». (3) Lorsqu’il écrivait en chiffres, il employait le b pour a, le c pour le b, et ainsi de suite pour les autres lettres. Au lieu du z il mettait deux a.
LXXXIX. Ses connaissances en grec. Sa bienveillance pour les écrivains
(1) Il fut aussi passionné pour les lettres grecques, (2) dans lesquelles il excella. Il avait pour maître d’éloquence Apollodore de Pergame. Dans sa jeunesse, il l’avait amené avec lui, malgré son grand âge, de Rome à Apollonie. Il s’enrichit ensuite d’une foule de connaissances dans la société du philosophe Aréus et de ses fils Denys et Nicanor. Cependant il n’alla pas jusqu’à parler couramment grec, et il ne hasarda aucune composition en cette langue. Quand les circonstances l’exigeaient, il écrivait en latin, et le donnait à traduire à un autre. (3) La poésie grecque ne lui était pas non plus tout à fait étrangère. Il prenait surtout plaisir à la vieille comédie, et il en faisait souvent représenter les pièces. (4) Ce qu’il recherchait le plus dans les auteurs grecs et latins, c’était des préceptes et des exemples utiles à la vie publique ou privée. Il les copiait mot à mot, et les envoyait d’ordinaire soit à ses intendants domestiques, soit aux chefs des armées et des provinces, soit aux magistrats de Rome selon le besoin qu’ils en avaient. (5) Il y a des livres qu’il lut en entier au sénat, et qu’il fit connaître au peuple par un édit, tels que les discours de Métellus « sur la repopulation », et ceux de Rutilius sur « l’ordonnance des bâtiments ». Il voulait prouver par là, non qu’il s’était, le premier occupé de ces objets, mais que les anciens les avaient déjà pris à cœur. (6) Il donna toutes sortes d’encouragements aux génies de son siècle. Il écoutait patiemment et avec bienveillance toutes les lectures, non seulement les vers et les histoires mais encore les discours et les dialogues. Toutefois il n’aimait pas qu’on le prît pour sujet de composition, à moins que ce ne fussent les plus grands maîtres, et que le style ne fût grave. Il recommandait aux préteurs de ne pas souffrir que son nom fût terni dans des luttes littéraires.
XC. Ses superstitions
Voici ce qu’on rapporte de ses superstitions. Le tonnerre et les éclairs lui causaient une peur qui tenait de la faiblesse ; et, pour s’en préserver, il portait toujours une peau de veau marin. Aux approches d’un orage, il se retirait dans un lieu secret et voûté, parce que la foudre, dans une marche de nuit, l’avait autrefois épouvanté, ainsi que nous l’avons dit plus haut.
XCI. Ses rêves
(1) Il était attentif à ses propres songes et à ceux d’autrui, s’ils le regardaient. À la bataille de Philippes, il avait résolu de ne pas quitter sa tente à cause du mauvais état de sa santé. Le rêve d’un de ses amis le fit changer de résolution, et il s’en trouva bien ; car son camp ayant été pris, les ennemis se jetèrent en foule sur sa litière, la percèrent et la mirent en pièces, comme s’il y eût été. (2) Au printemps, il voyait des milliers de fantômes effrayants et de vaines chimères. Le reste de l’année, ses visions diminuaient et étaient moins frivoles. (3) Lorsqu’il fréquentait assidûment le temple de Jupiter Tonnant, il rêva que Jupiter Capitolin se plaignait qu’on écartât de lui ses adorateurs, et qu’il lui répondait que
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