Vies des douze Césars
famille patricienne des Claudii (car il y en eut aussi une plébéienne qui ne lui cédait ni en puissance ni en dignité) est originaire de Régille, ville des Sabins. (2) Ce fut sur l’invitation de Titus Tatius, le collègue de Romulus, qu’elle vint avec une suite nombreuse de clients s’établir à Rome, nouvellement fondée ; ou, ce qui est plus certain, elle fut reçue par le sénat au nombre des familles patriciennes, environ six ans après l’expulsion des rois. Elle avait alors pour chef Atta Clausus. On lui donna des terres au-delà de l’Anio pour ses clients, et un lieu de sépulture pour elle au pied du Capitole. (3) Elle compte successivement vingt-huit consulats, cinq dictatures, sept censures, sept triomphes et deux ovations. (4) Elle était distinguée par différents prénoms et surnoms. Mais, d’un commun accord, elle rejeta celui de Lucius, parce que deux de ses membres qui l’avaient porté furent convaincus, l’un de brigandage, l’autre de meurtre ; (5) et, parmi ses surnoms, elle adopta celui de Néron, qui en langue sabine signifie brave et vaillant.
II. Actions méritoires et coupables des membres de cette famille
(1) Beaucoup de Claudii se signalèrent par de nombreux exploits, d’autres par de nombreux attentats contre la république. (2) Pour ne rappeler que les faits principaux, Appius Caecus empêcha qu’on ne fît avec Pyrrhus une alliance désavantageuse. (3) Claudius Caudex passa le premier la mer avec une flotte, et chassa les Carthaginois de la Sicile. Claudius Néron défit Hasdrubal, qui venait d’Espagne, à la tête d’une armée formidable, avant qu’il pût opérer sa jonction avec son frère Hannibal. (4) D’un autre côté, Claudius Appius Regillanus, décemvir préposé à la rédaction des lois, ayant essayé, pour satisfaire sa passion, de réclamer violemment comme esclave une jeune fille de condition libre, fut cause d’une seconde rupture entre le sénat et le peuple. (5) Claudius Russus, après s’être fait ériger une statue surmontée d’un diadème près du forum d’Appius, voulut s’emparer de l’Italie au moyen de ses clients. (6) Par mépris pour la religion, Claudius Pulcher, en vue des côtes de la Sicile, fit jeter à la mer les poulets qui avaient refusé la nourriture pendant qu’on prenait les auspices, comme pour les faire boire, puisqu’ils ne voulaient pas manger. Il livra ensuite la bataille et la perdit. Le sénat lui avait ordonné de créer un dictateur : il insulta encore à l’infortune publique en désignant Glycias, son messager. (7) Les femmes aussi, dans cette famille, donnèrent de bons et de mauvais exemples. C’est une Claudia qui retira des sables du Tibre où il avait échoué, le navire qui portait la statue de la mère des dieux, en la priant à haute voix d’ordonner au navire de la suivre, comme un témoignage de sa chasteté. C’est aussi une Claudia qui subit, devant le peuple, un jugement de lèse-majesté d’un nouveau genre, pour avoir émis le vœu public, un jour que la foule empêchait son char d’avancer, que son frère Claudius Pulcher revînt à la vie, et perdit une seconde flotte, afin de diminuer la foule des Romains. (8) Il est d’ailleurs notoire qu’à l’exception de P. Clodius, qui, pour expulser Cicéron de Rome, se fit adopter par un plébéien, et même par un plus jeune que lui, tous les Claudii furent toujours les partisans de l’aristocratie, les défenseurs exclusifs de la puissance et de la dignité des patriciens, et se montrèrent tellement orgueilleux et violents envers le peuple, que, même sous le poids d’une accusation capitale, aucun ne consentit à paraître devant lui en habit de suppliant, ni à s’abaisser aux moindres prières. Quelques-uns, au milieu des troubles et des séditions, allèrent jusqu’à frapper les tribuns. (9) On vit une Claudia Vestale monter dans le char de son frère qui triomphait sans l’ordre du peuple, et l’accompagner jusqu’au Capitole, afin que nul tribun ne pût le lui défendre ou intervenir.
III. Origine paternelle et maternelle de Tibère
(1) C’est de cette famille que Tibère César était issu, et même des deux côtés ; car son père descendait de Tiberius Néron, et sa mère d’Appius Pulcher, tous deux fils d’Appius Caecus. (2) Il tenait à la famille Livia par son aïeul que l’adoption y fit entrer. (3) Quoique plébéienne, cette famille jeta beaucoup d’éclat. Elle fut honorée par huit
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