Vies des douze Césars
ses parents. (2) Loin d’adoucir par la moindre attention l’exil de sa femme Julie, il lui défendit de sortir de sa maison et de communiquer avec personne, quoique Auguste lui eût donné une ville pour prison. Il la priva même du pécule que lui avait concédé son père, et de ses revenus annuels, sous prétexte que le testament d’Auguste n’avait rien statué à cet égard. (3) Sa mère Livie lui devint odieuse, comme une rivale de son pouvoir. Il se refusait à ses assiduités, et n’avait avec elle aucun entretien long et secret, de peur de paraître se conduire par ses conseils qu’il suivait pourtant quelquefois, mais avec peine. (4) Il trouva fort mauvais qu’il eût été question dans le sénat d’ajouter à ses titres celui de « fils de Livie », comme on le nommait « fils d’Auguste ». (5) Aussi ne voulut-il pas qu’elle fût appelée « mère de la patrie », ni qu’elle reçût en public aucun honneur signalé. Il l’invita souvent à ne point se mêler d’affaires importantes qui ne conviennent point aux femmes, surtout depuis qu’il eut remarqué qu’elle était accourue à l’incendie qui avait éclaté près du temple de Vesta, et qu’elle avait encouragé au travail le peuple et les soldats, comme elle avait coutume de le faire du temps de son époux.
LI. Ses discordes avec Livie, dont il persécute tous les amis
(1) La discorde éclata bientôt entre eux. En voici, dit-on, la cause. (2) Livie le priait instamment d’inscrire dans les décuries un homme qui avait reçu le droit de cité. Il lui répondit qu’il n’y consentirait qu’à condition qu’on mettrait sur les registres que cette grâce lui avait été arrachée par sa mère. (3) Blessée de ce refus, elle tira du sanctuaire d’Auguste quelques lettres où il était question de l’humeur dure et tyrannique de Tibère, et les lui lut. (4) L’empereur fut tellement indigné qu’on les eût gardées si longtemps, et qu’on les lui eût représentées avec tant d’aigreur, que quelques historiens pensent que ce fut une des principales causes de sa retraite. (5) Pendant trois ans qu’il fut absent, il ne vit sa mère qu’un jour, et l’entretien ne fut que de quelques heures. Jamais il ne la visita durant sa maladie, et, quand elle fut morte, il se fit attendre longtemps pour ses funérailles, en sorte que le cadavre était déjà corrompu et infect lorsqu’il fut mis sur le bûcher. Il s’opposa à son apothéose sous prétexte que telles étaient les dernières volontés de sa mère. (6) Il annula son testament, et acheva en peu de temps la ruine de tous ses amis et de toutes ses créatures, même de ceux qu’elle avait en mourant chargés du soin de ses funérailles. Un d’entre eux, qui était de l’ordre équestre, fut condamné aux travaux des pompes.
LII. Son indifférence à l’égard de son fils Drusus. Sa jalousie contre Germanicus, qu’il fait périr
(1) Il n’eut de tendresse paternelle, ni pour son propre fils Drusus, ni pour Germanicus, son fils adoptif. Il haïssait Drusus pour ses vices, (2) car il avait un caractère faible et une vie molle. Aussi ne fut-il nullement sensible à sa mort ; et, à peine ses funérailles furent-elles achevées, qu’il reprit le soin des affaires, et défendit que les tribunaux fussent fermés plus longtemps. Des envoyés de Troie lui apportèrent un peu tard leurs compliments de condoléances. Il se moqua d’eux, comme si sa douleur était déjà effacée, et leur dit qu’il les plaignait aussi beaucoup d’avoir perdu un aussi bon citoyen qu’Hector. (3) Jaloux de Germanicus, il affectait de rabaisser ses belles actions comme inutiles, et de critiquer ses plus glorieuses victoires comme funestes à l’empire. (4) Il se plaignit dans le sénat, que Germanicus n’eût pas demandé ses ordres pour se rendre à Alexandrie qui était en proie à une famine subite et cruelle. (5) On croit même qu’il chargea Gnéius Pison, son lieutenant en Syrie, de le faire périr ; et quelques-uns pensent que Pison, accusé de cette mort, aurait montré les ordres de Tibère, s’ils ne lui eussent été donnés en secret. (6) On afficha en beaucoup d’endroits et l’on cria souvent pendant la nuit : « Rendez-nous Germanicus ». (7) Tibère lui-même confirma ces soupçons en persécutant cruellement la femme et les enfants de Germanicus.
LIII. Ses cruautés envers sa belle-fille Agrippine
(1) Agrippine lui ayant fait quelques
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