Vies des douze Césars
malheurs d’une famille presque éteinte. (2) Aussi, dès qu’il sortit de Misène, quoiqu’il suivît le convoi de Tibère en habit de deuil, il s’avança au milieu des autels, des victimes et des flambeaux, escorté d’une foule immense et remplie d’allégresse, qui se pressait à sa rencontre. Tous lui donnaient les noms les plus flatteurs, et l’appelaient leur astre, leur petit, leur élève, leur nourrisson.
XIV. Il est proclamé empereur
(1) À son entrée dans Rome, du consentement unanime des sénateurs et du peuple qui se précipitait dans leur assemblée, il fut sur-le-champ investi du pouvoir souverain, malgré le testament de Tibère qui lui donnait pour cohéritier son autre petit-fils encore revêtu de la robe prétexte. La joie publique fut si grande, qu’en moins de trois mois, on égorgea, dit-on, plus de cent soixante mille victimes. (2) Quelques jours après, comme il s’était transporté dans les îles de la Campanie les plus voisines, on fit des vœux pour son retour, tant on cherchait les occasions de lui témoigner sa sollicitude et l’intérêt qu’on prenait à sa conservation. (3) Il tomba malade. Alors le peuple passa la nuit autour de son palais, et plusieurs faisaient vœu de combattre ou de s’immoler pour son rétablissement. (4) À ce prodigieux amour des citoyens se joignit la plus grande considération des étrangers. (5) Le roi des Parthes, Artaban, qui avait toujours affiché son mépris et sa haine pour Tibère, rechercha l’amitié de Caius. Il eut une conférence avec un lieutenant consulaire, et vint, au-delà de l’Euphrate, rendre hommage aux aigles romaines et aux images des Césars.
XV. Honneurs qu’il affecte de rendre à sa famille
(1) L’affection que Caius témoignait à tout le monde le faisait chérir de plus en plus. Après avoir prononcé devant le peuple assemblé l’éloge funèbre de Tibère en versant beaucoup de larmes, et avoir en son honneur ordonné de magnifiques funérailles, il se hâta d’aller à Pandataria et à Ponties recueillir les cendres de sa mère et de ses frères. Pour mieux faire éclater sa piété filiale, il partit malgré la saison contraire, approcha de ces restes avec respect, et les renferma lui-même dans des urnes. (2) Ce ne fut pas avec moins d’appareil qu’il les transporta jusqu’à Ostie, et de là à Rome en remontant le Tibre, sur une galère à deux rangs de rames, à la poupe de laquelle flottait un pavillon. Ces cendres furent reçues par les plus nobles des chevaliers, et transférées en plein jour, sur deux brancards, dans un mausolée. Il établit en leur honneur des sacrifices annuels, et en mémoire de sa mère des jeux du cirque, où son image devait être portée sur un char comme celle des dieux. (3) En commémoration de son père, il donna au mois de septembre le nom de Germanicus. (4) Il fit décerner par un sénatus-consulte à Antonia, son aïeule, tous les honneurs dont avait joui Livia Augusta. Il s’adjoignit pour collègue dans le consulat son oncle Claudius, qui, jusque-là, était resté simple chevalier. Il adopta son frère Tibère le jour où il prit la robe virile, et le nomma prince de la jeunesse. (5) Il voulut que l’on mît cette formule, dans tous les serments : « Caius et ses sœurs me sont aussi chers que moi et mes enfants » ; et cet autre dans les rapports des consuls : « Pour la prospérité de Caius César et de ses sœurs ». (6) Il réhabilita avec une même affection pour le peuple, tous ceux qui avaient été condamnés ou bannis, et reprit toutes les poursuites qui dataient du règne précédent. Il fit porter dans la place publique les pièces relatives au procès de sa mère et de ses frères, et, après avoir attesté les dieux qu’il n’en avait lu ni touché aucune, il les brûla toutes, afin d’affranchir désormais de crainte les délateurs ou les témoins. Il refusa de recevoir un billet qui intéressait sa vie, prétendant qu’il n’avait rien fait qui pût lui attirer la haine de personne, et qu’il n’avait point d’oreilles pour les délateurs.
XVI. Il augmente par tous les moyens sa popularité
(1) Il chassa de Rome les inventeurs de débauches monstrueuses, et l’on n’obtint qu’avec peine qu’il ne les fît pas noyer. (2) Il fit rechercher les ouvrages de Titus Labienus, de Cremutius Cordus et de Cassius Severus, supprimés par des sénatus-consultes. Il en permit la distribution et la lecture, comme étant
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