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Voyage au Congo

Titel: Voyage au Congo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Gide
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malades viennent de villages parfois lointains se faire opérer de l’éléphantiasis des parties génitales, très fréquent dans ces régions. Il nous présente quelques cas monstrueux qu’il se dispose à opérer ; et l’on reste saisi de stupeur, sans comprendre aussitôt ce que peut bien être ce sac énorme, que l’indigène trimballe sous lui… Comme nous nous étonnons, le docteur Cacavelli nous dit que les éléphantiasis que nous voyons ici ne pèsent sans doute pas plus de 30 à 40 kg. Les masses de tissu conjonctif hypertrophié, dont il débarrasse les patients, atteignent parfois 70 kg, s’il faut l’en croire. Il aurait même opéré un cas de 82 kg. « Et, ajoute-t-il, ces gens trouvent encore le moyen de faire, à pied, quinze à vingt kilomètres pour venir se faire soigner. » J’admets, sans plus pouvoir comprendre.
    Un des malades de ce matin, tout jeune encore, a tenté de s’opérer lui-même et s’est abominablement charcuté, lardant de coups de couteau cette poche affreuse, qu’il croyait pleine de pus et espérait pouvoir vider.
    – « Ce qu’il y a dedans ? Vous voulez le voir ? » Et Cacavelli nous mène, près de la table d’opération, devant un baquet presque plein d’une sorte de maton sanguinolent et blanchâtre, premier résultat du travail de ce jour. Bien faite, nous dit-il, l’opération respecte et ménage la virilité du patient, enfouie dans l’excès du tissu conjonctif, mais nullement endommagée. Et c’est ainsi que depuis trois ans il a fait recouvrer la puissance procréatrice à 236 impotents.
    – « Allons, 237 ; approchez »…
    Nous le quittons bien vite, désireux de garder quelque appétit.
    Sitôt après déjeuner, départ pour Foroumbala. Pays mouvementé mais pas très intéressant. Le peuple des villages traversés est laid. L’auto fait fuir quelques pintades. Un effrayant orage menace ; mais se détourne au dernier moment. Arrivée à Foroumbala vers 5 heures. Poste inoccupé {20} , belle position sur la Kotto ; quelques arbres admirables. Sur la place ombragée, devant le gîte d’étape, les enfants de l’école ; comme on leur apprend à filer, chacun tient une petite quenouille d’où pend, comme une araignée au bout de son fil, la bobine qu’un coup de pouce fait tourner. Tous en rang, le sourire aux lèvres, on s’attend à les entendre entonner un chœur de Gounod. Puis, exercices de gymnastique sous la surveillance d’un maître indigène. Puis, football très joyeux auquel nous prenons part ; une orange tient lieu de ballon. Ces enfants parlent tous un peu le français.
    Je les retrouve après dîner qui dansent à la clarté d’un feu de paille, avec les femmes des miliciens absents. Un de ces enfants, d’aspect très misérable, se tient dans l’ombre, loin des autres ; comme la nuit est un peu froide et qu’il semble grelotter, je le fais s’approcher du feu. Mais les autres aussitôt s’écartent. C’est un lépreux. Chassé de son village {21} , à trois jours de marche, il ne connaît ici personne. Marc qui me rejoint me dit l’avoir rencontré déjà, et lui avoir donné à manger. Même il a laissé à une femme indigène de quoi assurer la nourriture de ce petit paria pour huit jours ; la femme a promis d’y veiller. Nous devons repasser par ici et saurons si elle a tenu sa promesse. Mais hélas ! si l’enfant ne doit pas guérir, que sert de prolonger sa triste vie…
    Le 8, sitôt au sortir de Foroumbala, traversée en barque de la Kotto débordée. Assez vastes champs de coton coupés de champs de manioc, carrés et réguliers comme nos cultures de France. Par places, quantité de gourdes parfaitement rondes, comme des coloquintes, de la grosseur d’un œuf d’autruche, jonchent le sol ; sortes de courges dont, nous dit-on, les indigènes mangent la graine.
     
    Tandis que l’on approche de Bangassou, l’on commence à rencontrer des gens coiffés de façon extrêmement bizarre : un côté de la tête est rasé, l’autre couvert de petites tresses flottantes, ramenées en avant. Ce sont des N’Zakaras, une des tribus les plus intéressantes des Sultanats.
    Bangassou, 8 octobre.
     
    J’écris ces lignes sous la véranda de notre case. Bangassou me déçoit un peu. La ville se ressent sans doute de l’occupation militaire et a beaucoup perdu de son étrangeté. Mauvaise journée. J’ai commencé par me casser une dent ; puis, extraction pénible d’une chique monstre,

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