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Voyage au Congo

Titel: Voyage au Congo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Gide
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branches basses, penchées au-dessus de ce qui dût être un marécage, qui n’est plus qu’une croûte d’argile durcie. Nous le poursuivons quelque temps, sans parvenir à le revoir. Mais nous voici distraits par un petit troupeau d’am’raïs. Somme toute nous reviendrons bredouilles (n’étaient les volailles du début) – mais ravis. Je me souviendrai de ce double tronc d’arbre, une sorte d’acacia, aux branches basses, extraordinairement étendues, protégeant de son ombre noire un grand espace découvert et bordé d’une ronde d’autres acacias plus petits ; on eût dit un patriarche entouré de ses fils. C’est dans cet arbre énorme, plus puissant qu’aucun de nos chênes de France, que bondissait une troupe de singes, qui se sont enfuis à notre approche. L’arbre entier était couvert de cette bizarre plante grasse grimpante, qui semble un cactus, lance en tous sens des rameaux, tous exactement de même grosseur – qui semblent des serpents, rôdent à travers les branches, s’étalent en formant réseau sur le faîte, puis retombent de toutes parts, sur le pourtour de l’arbre, comme les franges d’un tapis.
     
    Quantité incroyable de crocodiles sur les bancs de vase. Aplatis, collés au sol, couleur de fange et de punaise, immobiles, on les dirait directement produits par le limon. Un coup de fusil, et tous s’écoulent, comme fondus, et se confondent dans l’eau du fleuve.
    Retour à Goulfeï. Nous y arrivons à la nuit close. Le sultan vient nous voir pourtant, mais nous lui disons que nous remettons au lendemain notre visite. Étrange malaise au début de la nuit. Il ne fait pas trop chaud ; presque frais ; et l’on étouffe. C’est une sorte d’angoisse dont ne pourra triompher le sommeil sans adjuvants. J’essaie, pour la première fois, du sonéryl (« talc et amidon », lit Marc sur le prospectus) dont l’effet ne tarde pas à se faire sentir. Mais la baleinière vient frotter la toile de tente contre la moustiquaire de mon lit, juste à hauteur de mon oreille. C’est un petit grattement continu, parfaitement insupportable. Je me relève trois fois et trimballe mon lit où je puisse ne plus l’entendre. Longtemps avant l’aube un tumulte d’oiseaux me réveille ; je distingue l’appel des pintades, le ricanement des canards. Ils sont tout près de nous. À la fin je n’y tiens plus ; je me rhabille à tâtons. Précisément Adoum, que ce vacarme réveille également, vient chercher fusil et cartouches. Nous sortons tous deux, furtivement. En trois coups nous tuons cinq canards. À ce dernier coup, tiré presque dans le noir, je suis tout surpris de voir avec un canard, trois petits oiseaux rester sur la place. Le second canard s’en va tomber un peu plus loin sur le fleuve ; d’autres s’envolent – et j’assiste à ce spectacle extraordinaire : un des fuyards revient auprès de son camarade tombé, se pose sur l’eau, d’abord un peu loin, craintivement, puis, en ramant, se rapproche, insoucieux du nouveau coup de fusil que je tire, et qui le manque. Ce n’est qu’au troisième coup qu’il s’enfuit ; comme à regret, car il revient encore voleter près de son camarade – et ce n’est, cette fois, que la pirogue qui s’en va chercher le défunt, qui, définitivement, le fait fuir. Marc nous a rejoints, à qui je passe le fusil. Il fait encore quatre victimes, avant que le soleil soit levé.
     
    Rentrés pour le breakfast et la toilette ; mais voici déjà venir le sultan et sa cour. Nous baissons les toiles de tente pour changer de linge et nous faire beaux. Un blanc (fortement teinté, du reste, car c’est un Martiniquais) s’amène. C’est le sergent Jean-Baptiste, du secteur de prophylaxie du Logone. Il arrive à faire, nous dit-il, jusqu’à six cents piqûres par jour. Le pays est terriblement ravagé par la maladie du sommeil.
    Nous rentrons dans cette ville, qui, la nuit, à l’aller nous avait paru si étrange. De jour elle ne l’est pas moins, et l’idée que nous nous en faisions n’était pas fausse. Goulfeï est parfaitement prodigieux. Le sultan nous mène jusqu’à sa demeure. Suite de salles très petites et basses, en terre durcie ; on y accède par un dédale de couloirs, de passages ; on traverse des cours ; tout cela très petit, mais trouvant le moyen d’avoir grand air, comme une demeure très primitive. Murs extraordinairement épais. Ce que cela rappelle le plus : les tombes étrusques d’Orvieto ou

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