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Voyage en Germanie

Voyage en Germanie

Titel: Voyage en Germanie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lindsey Davis
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projeta à terre. C’était son intention : il me mettait en garde.
    Comme je m’étalais à la renverse, mon cri de protestation mourut sur mes lèvres. À trois enjambées de là, bronchant face au légat, se dressait le plus gros taureau que j’aie jamais vu.

59
    Je me redressai tant bien que mal, plaquai les bras le long de mon corps en bredouillant Hep ! d’un ton suppliant. L’aurochs secoua dédaigneusement la tête.
    Aucune étable n’aurait pu contenir un tel bovidé, animal brunâtre à la queue étoffée de mèches laineuses noires en leur extrémité. Il avait l’échine plate, une énorme tête, de courtes pattes et une encolure capable de démolir n’importe quelle maçonnerie et pourvue d’une épaisse crinière de fourrure rousse. Ses cornes recourbées en l’air étaient assez puissantes et larges pour y empaler une femme… quelque Dircé ayant réussi à se mettre à dos des gens capables d’imaginer d’effroyables châtiments. L’animal exhalait un souffle stertoreux, tel un cyclope au stade ultime de la pneumonie.
    L’aurochs est indomptable. L’espèce à laquelle il appartient date de plusieurs siècles avant l’invention humaine de la tranquille domesticité. Le spécimen en question était gigantesque, pourtant il semblait capable de se mouvoir avec beaucoup de délicatesse… le genre d’agilité précise qui s’accompagne en outre de redoutables pointes de vitesse. Son œil furibond nous révéla que les lances plantées dans son pelage telles des épines de ronces l’avaient déjà mis hors de lui, et qu’à présent, ayant acculé avec une hargne rusée les auteurs de ce méfait, il projetait d’amocher gravement tout ce qui bougerait. Pour agrémenter le tout, il poussa un long beuglement contenu chargé de toute la rage, toute la douleur primitives. Il foudroyait le légat d’un regard pensif, comme s’il évaluait l’endroit où il pourrait frapper au plus sensible. Puis il frappa le sol du pied.
    Nous restâmes tous absolument immobiles.
    Je n’aime pas me rappeler ce qu’il advint alors de Florius Gracilis. Le pire fut qu’il vit la chose arriver. Lâchant un léger gargouillis, il prit ses jambes à son cou. Le gigantesque animal s’élança en beuglant à ses trousses, à une vitesse telle que le légat n’avait aucune chance. Il fut encorné, jeté à terre, malmené puis piétiné à mort. Certains des hommes qui l’accompagnaient tentèrent de lancer leurs javelines, mais sitôt Gracilis à terre, nous fûmes tous saisis d’épouvante. Les hommes prirent tous la fuite. Sauf les miens et moi.
    L’aurochs avait dû apprécier ma binette : je constatai sans peine qu’il m’avait élu deuxième de sa liste.
    Il fallait que je protège Helvetius. J’entrepris de m’écarter lentement vers la gauche. C’était la seule direction possible, mais très vite, je dus m’arrêter car j’arrivais au bord de la crique. La berge plongeait une bonne trentaine de centimètres plus bas, donnant sur un surplomb tapissé de hautes herbes sales de mauvais augure. La dernière des choses que je souhaitais, c’était de finir dans une profondeur d’eau indéterminée et de me retrouver en train de patouiller lamentablement pendant que l’énorme bête chargeait.
    L’aurochs souffla sauvagement, fouaillant le corps ensanglanté du légat mort d’un ultime et méprisant coup de sa redoutable corne. Il attendit que je m’immobilise, puis il commença à avancer.
    La suite fut brève, désordonnée, et piteuse.
    Derrière l’aurochs, mes trois compagnons pétrifiés reprirent vie. Orosius commença à cavaler et ramassa une lance oubliée. Je vis le domestique se précipiter vers Helvetius. Lentullus lança bravement son seau à crustacés, touchant l’aurochs au mufle. La bête dressa la tête, sans pour autant s’interrompre dans son élan. C’était comme se faire charger par un immeuble lancé à toute vitesse.
    Le coup de seau ne l’arrêta pas : rien ne pouvait le faire. Mais le moment où l’animal cilla me permit juste de bondir. Acculé au bord de la crique, je n’avais qu’une issue : je me jetai de côté. L’aurochs passa devant moi, si proche que j’écartai prestement mon bras.
    Sans rien regarder, il fonça tête baissée. Si je m’étais mis à courir, il m’aurait encorné dès le deuxième pas, mais cette fois quelque chose l’arrêta : Lentullus. Courant aux trousses de l’animal, le garçon l’avait empoigné par la queue et

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