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Will

Will

Titel: Will Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stephen R. Lawhead
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réputation douteuse. L’aubergiste était un vrai vaurien – c’est
lui qu’ils devraient pendre, pas moi –, mais il servait du bon vin et
d’épaisses côtelettes si tendres, si juteuses que vos dents pouvaient faire
relâche. J’en suis venu à connaître beaucoup des gens qui passaient aux Clés, et eux ont fini par me confier leurs pensées les plus intimes.
    Toujours, j’essayais d’orienter la discussion vers les
événements des Marches, espérant un mot ou deux sur le Roi Corbeau. Et cela est
arrivé la nuit où j’ai rencontré un fermier indépendant qui écoulait sa
production à Hereford les jours de marché. Il voulait vendre à l’aubergiste un
morceau de lard et de la saucisse d’été et, me voyant faire le pied de grue,
était venu s’asseoir à côté de moi sur le muret qui faisait face à
l’établissement. « Eh bien, ai-je dit en levant mon verre, en voilà un à la
santé du roi.
    — À la santé du roi, et que le diable vienne le prendre
à sa guise.
    — Oh ? William le Rouge n’a donc plus vos
faveurs ?
    — Non, m’a répondu le fermier, et peu m’importe qui le
saura. » Il a néanmoins jeté un coup d’œil coupable autour de lui pour voir
qui aurait pu surprendre ses propos. Personne ne prêtait la moindre attention à
deux plaisantins à la langue bien pendue tels que nous, aussi a-t-il avalé une
bonne goulée de bière avant de s’accouder sur le mur. « Je prie chaque
jour pour sa chute.
    — Qu’est-ce que le roi vous a fait pour mériter pareil
courroux ?
    — Que n’a-t-il pas fait plutôt ! Avant Rufus,
j’avais une femme et un grand fils solide pour m’aider aux champs.
    — Et maintenant ?
    — Ma femme a attrapé le croup et en est morte. Mon fils
a été pris dans la forêt en train de poser des pièges à lapin. La lame du
shérif l’a privé de sa bonne main. Il ne peut rien faire d’autre que garder le
bétail à présent.
    — Et vous tenez le roi pour responsable ?
    — Exactement. S’il n’y avait que moi, je demanderais au
Roi Corbeau de lui arracher les yeux et de dévorer son foie royal.
    — Ça serait un sacré spectacle, ai-je commenté. Encore
faudrait-il que cet emplumé soit plus qu’une légende qu’on raconte une nuit
d’été.
    — Oh, mais il existe, a insisté le fermier. Il existe,
aucun doute là-dessus. »
    Mon vindicatif ami m’a alors raconté de quelle manière le
redoutable volatile s’était abattu sur une ribambelle de chevaliers normands
qui traversaient les Marches à la belle étoile par la route royale.
    « Le Roi Corbeau a surgi du ciel comme un ange vengeur
et a tué toute une armée de coquins avant qu’ils ne puissent faire demi-tour et
s’enfuir, m’a expliqué le fermier. Il n’a laissé en vie qu’un seul ivrogne
terrifié, pour qu’il aille transmettre un message au baron : cessez de
tuer des Bretons.
    — Cette créature… comment a-t-elle tué les
chevaliers ? »
    Le fermier m’a regardé dans les yeux. « Avec du feu et
des flèches.
    — De bonne guerre. Mais s’il a utilisé du feu et des
flèches, comment savent-ils que c’est bien au fantôme qu’ils ont eu affaire, et
pas à quelque Gallois grincheux ? Vous savez à quel point ils peuvent se
montrer opiniâtres quand on les agace.
    — Oh que oui, a reconnu le fermier. Je le sais
parfaitement. Mais c’était le Roi Corbeau, aucun doute là-dessus. » Il a
secoué la tête avec une assurance inébranlable. « Je le sais.
    — Parce que ? ai-je hasardé.
    — Parce que, a-t-il dit le sourire aux lèvres, les
flèches étaient noires. De la pointe de pierre jusqu’à la plume, elles étaient
aussi noires que la langue de Belzébuth. »
    Ces quelques informations m’ont contenté plus que tout ce
que j’avais entendu jusque-là. Des flèches noires, vous vous rendez
compte ! Exactement le genre de chose à laquelle Will Écarlate aurait pu
penser s’il avait dû s’occuper d’un problème tel que propager la peur et le
chaos parmi cette brigade de vauriens. Dans l’histoire de ce fermier irascible,
j’ai vu la silhouette d’un homme, pas celle d’un fantôme. D’un homme si
semblable à moi-même que j’en ai tiré le premier espoir un peu solide de m’en
sortir.
    Je me suis attardé à la propriété jusqu’à la fin des
moissons pour donner un coup de main, puis, au moment où les feuilles
commençaient à tomber et le vent du nord à fraîchir, j’ai pris congé de mes
hôtes et,

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