Will
par une belle journée, repris ma route. J’ai marché de village en
village, m’arrêtant partout où j’avais une chance d’entendre parler du Roi
Corbeau.
L’automne avait envahi les terres, comme je l’ai déjà
dit ; une fois arrivé en bordure des Marches, j’ai pénétré dans la forêt.
Sûr de moi, je restais néanmoins vigilant à tout ce qui m’entourait. Je
voyageais lentement, avec détermination, campais chaque nuit à proximité de la
route. Le matin – des matins si beaux, si clairs –, je me levais tôt
et me trouvais une éminence, histoire de regarder, d’écouter au mieux les bois
autour de moi, et d’en apprendre ce que je pouvais.
Vous comprenez, la forêt des Marches est un bois très
ancien, déjà vieux lorsque Adam était jeune. Un endroit sauvage différent de
toutes les autres forêts anglaises que je connaissais. Plus dense, plus
enchevêtré, primitif, il se cramponnait à ses secrets et refusait de les
lâcher. Remarquez, j’ai l’habitude des tours et des détours en forêt ;
aussi, alors qu’un beau jour en chassait un autre au seuil de l’hiver, ai-je commencé
à en prendre la mesure.
Un matin, précisément à l’époque où le temps commençait à
tourner, je me suis réveillé dans une brume glaciale, au son de voix en
provenance de la route royale. J’avais vu des empreintes de loup sur le chemin
avant le coucher du soleil, et décidé qu’un homme prudent ferait bien de dormir
à l’écart de ces chasseurs émaciés aux longues dents. Ayant donc passé la nuit
sur le fût d’un chêne robuste à portée de vue de la route royale – un
berceau guère confortable, pour le moins –, je m’étirais à la lumière
naissante d’un jour gris et venteux quand j’ai entendu des hommes parler à voix
basse sur le sentier en dessous. La rythmique tranquille de leur discussion me
semblait familière, même si les mots étaient étranges. Ça m’a pris un moment de
réveiller mes oreilles et de me rendre compte qu’ils parlaient gallois. C’était
la langue de ma mère, et j’en conservais assez de mes jeunes années pour
pouvoir me faire comprendre.
Quand j’ai entendu les mots « Rhi Bran y Hud »,
j’ai su que j’étais tout près de trouver ce que je cherchais…
« Oui, Odo, qu’y a-t-il ? » Mon scribe se
réveille de son petit somme et frotte ses yeux engourdis de rêves.
« Ces mots, “ Riban Hood”, me demande-t-il en
bâillant à s’en décrocher la mâchoire. Qu’est-ce qu’ils signifient ?
— Si jamais tu me laisses poursuivre mon histoire,
peut-être que tu le découvriras bientôt. Mais en tout cas, ce n’est pas Riban
Hood, comme tu as cru l’entendre. C’est Rhi Bran – ce qui
signifie “Roi Corbeau”. Et Hud, pour… eh bien, pour “Enchanteur des
bois”. C’est comme ça que le peuple breton appelle le seigneur fantôme des
Marches.
— Ribran des Bois, dit-il en l’écrivant
consciencieusement. Un bien beau nom. »
J’en conviens, et nous poursuivons.
Eh bien, je suis descendu de l’arbre pour rejoindre ces gars
sur la route et voir ce qu’ils pourraient m’apprendre sur ce mystérieux oiseau.
« Ohé ! leur ai-je crié en sautant lestement sur
le bord de la route depuis la branche la plus basse. Mes amis, verriez-vous un
inconvénient à échanger quelques mots avec un voyageur ? »
À voir l’expression de leur visage, on aurait pu croire que
je tombais de la lime. Deux hommes, le premier grand comme une maison, le
second plus petit, mais aux muscles aussi noueux que des racines d’hickory.
Tous deux portaient d’étranges houppelandes à capuche avec un carquois rempli
de flèches à la ceinture, et tenaient de solides arcs longs.
« Quoi ! » s’écria le gros en se retournant plus vite qu’on ne
l’aurait cru possible de la part d’un si large colosse.
Ce gars-là a passé un sacré bout de temps dans les bois, me suis-je dit – son couteau était déjà dans sa main. « Je ne vous
veux aucun mal, mes amis. Et mille pardons si je vous ai fait peur. Je vous ai
entendus parler et j’espérais bavarder un peu, voilà tout.
— Espèce de démon embusqué, gronda le plus mince en
s’avançant brusquement, ne compte pas sur nous pour te faire la
conversation. » Il s’est tourné vers la montagne de muscles, qui a
lentement hoché la tête. « Pas avant que tu nous en aies dit davantage sur
toi.
— Eh bien, j’ai tout mon temps, s’il en est de
Weitere Kostenlose Bücher