Will
coupés pour le faire ressembler un peu plus à
un marchand, ou au garde d’un commerçant itinérant. L’autre chariot était à
quelque distance derrière, et je pouvais tout juste le distinguer tandis qu’il
avançait lourdement vers nous en cahotant le long de la route défoncée.
Je n’ai pas attendu que l’intendant Antoine ouvre le bal.
« Ils sont là ! ai-je crié. Par ici ! »
Avec un claquement de rênes, je me suis porté en avant,
laissant les Ffreincs avancer à leur rythme. Je voulais dire un mot à Bran
avant qu’ils arrivent.
Rhi Bran était assis dans le deuxième chariot, celui qui
était mené par Siarles. En me voyant, il a souri et a levé une main pour me
saluer, mais son sourire s’est vite fané. « Un problème ?
— De Glanville n’est pas avec nous. Il ne viendra pas,
il a envoyé son intendant à sa place. »
Bran a plissé les yeux, signe que son esprit commençait à
analyser le problème. Iwan nous a alors rejoints et je lui ai expliqué ce que
je venais de dire à Bran. « Tu crois qu’il a soupçonné un
piège ? »
J’ai secoué la tête. « Il est malade, je pense – peut-être
à cause de la blessure qu’il a reçue lors de la nuit de l’Épiphanie. Il ne
quitte pas sa chambre. »
Iwan a jeté un coup d’œil aux soldats. Nous n’avions que
quelques instants pour prendre une décision.
Siarles a dit : « Nous ne pouvons pas les renvoyer,
je suppose. »
Et moi : « Peut-être pourrais-tu aller leur
expliquer qu’on n’a plus besoin d’eux. » Les sourcils froncés, Siarles a
grogné de dérision, puis il s’est tourné vers Bran pour voir ce qu’il allait
dire.
Nous regardions tous Bran à ce moment-là. Il était temps de
prendre une décision.
« Alors, mon seigneur ? ai-je demandé. Que
comptez-vous faire ?
— On continue. » Bran a brandi une main amicale en
direction de l’intendant, qui nous rejoignait sur son cheval. « Reviens me
parler quand nous aurons atteint la ville. »
« Tout va bien, ai-je dit à Antoine dans mon français
approximatif. Ils disent qu’ils n’ont vu aucun signe du fantôme des bois.
— Nous ne verrons pas ce couard emplumé
aujourd’hui », a déclaré l’intendant, mais j’ai remarqué qu’il jetait un
coup d’œil alentour pour vérifier qu’il n’avait pas parlé trop tôt. Il a
ordonné à une partie de ses hommes de former les rangs derrière le dernier
chariot pour surveiller nos arrières, puis il a fait pivoter son cheval.
« Si vous êtes prêts, nous allons partir. Il ne faut pas tarder si nous
voulons atteindre Saint-Martin avant la tombée de la nuit.
— Passez devant, mon seigneur. » Je l’ai
accompagné au-devant du convoi.
« Seulement deux chariots ? a demandé Antoine
comme nous débutions le voyage de retour.
— Seulement deux, ai-je confirmé. Pourquoi me
demandez-vous cela ? »
Il a haussé les épaules. « Je pensais qu’il y en aurait
plus. D’où viennent-ils ?
— Du nord. » Les Ffreincs du sud ne connaissaient
presque rien de ce qu’il y avait au-delà de la Grand Ourse. « L’hiver est
rude par là-bas. Le commerce est plus facile au sud à cette époque de
l’année. »
Antoine a hoché la tête comme si c’était chose notoire, et
nous avons repris notre progression vers le sommet de la crête, les chariots
grondant lentement derrière nous. De temps à autre, l’intendant s’isolait et
regardait en arrière pour s’assurer que tout allait bien. Lorsque nous avons
commencé à descendre dans le val de l’Elfael, je me suis demandé à quoi Bran
pensait, et comment nous allions nous débrouiller pour mener à bien notre plan.
Nous avions peut-être réussi à nous faire passer pour des commerçants, mais
nous n’avions aucune marchandise à vendre ; nous avions quelques peaux et
d’autres bricoles, mais c’était juste pour faire illusion. Dès que nous
atteindrions la place du marché, quelqu’un démasquerait les coquins que nous
étions.
Je trouvais de temps à autre une occasion de me retourner,
mais Bran était trop loin derrière et je ne pouvais pas le voir. J’essayais de
ralentir pour me laisser devancer et pouvoir lui parler, mais l’intendant nous
poussait à avancer. « Plus vite ! Plus vite ! Ne vous laissez
pas distancer. Nous voulons atteindre la ville avant la nuit. »
Effectivement, le soleil allait se coucher quand nous avons
quitté la forêt. Les nuages s’amoncelaient à l’ouest
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