Will
chaise du feu. * »
« Maintenant ! » m’a chuchoté Bran à l’oreille.
J’ai senti sa main dans mon dos me pousser en avant tandis qu’il bondissait
devant moi dans la pièce.
De Glanville a dû sentir une ruée soudaine dans sa
direction, mais n’a rien fait pour nous arrêter ou pour appeler au secours. Il
s’est contenté de tourner la tête alors que nous nous précipitions sur sa
chaise, Bran d’un côté et moi de l’autre. Il ne semblait pas surpris le moins
du monde de nous voir, mais quand il a levé une main languide comme pour nous
repousser d’une chiquenaude, j’ai vu qu’il prenait confusément conscience du
danger qui lui tombait dessus.
« Soûl comme un évêque, ai-je dit. Il a probablement bu
toute la journée. »
Un sourire paresseux s’est dessiné sur l’étroite face de rat
du shérif. « Vous n’êtes pas Antoine.* » Son haleine puait le
vin. « Où est Antoine ?*
— Non, mais regardez-le, ai-je dit en secouant la tête
avec dégoût. Il ne sait même pas qui nous sommes.
— Parfait. Il nous facilite la tâche. » Prenant le
bras de De Glanville, Bran l’a forcé à se mettre sur ses pieds. Le shérif
oscillait, incertain, telle une tige de saule par grand vent.
« Il ne peut pas marcher, ai-je dit. Nous allons devoir
le porter.
— Prends ses pieds. » Bran a laissé le shérif
basculer lentement en arrière et l’a attrapé sous les bras. Je me suis penché
pour saisir ses chevilles, et nous l’avons porté comme ça dans les escaliers,
puis jusqu’à la porte. De Glanville, qui n’offrait pas la moindre résistance,
s’est laissé manipuler sans ménagement jusqu’au rez-de-chaussée. Il a repris
ses esprits lorsque nous nous sommes retrouvés dehors et que l’air froid l’a
saisi. Il s’est mis à gémir en roulant sa tête d’un côté à l’autre.
Nous avons traversé la cour et, au moment où nous passions
devant l’église, la porte s’est ouverte sur un troupeau de moines portant des
flambeaux. Les prières finies, je suppose qu’ils retournaient à l’abbaye, mais
la vue de deux hommes filant en douce avec un troisième larron les a pris de
court.
« Dis-leur qu’il est soûl et que nous le ramenons à la
maison. Vite, Will, dis-le-leur ! »
Je me suis exécuté. Ça aurait pu réussir – comme
effectivement nous l’avons cru l’espace d’un instant – sans les chevaliers
qui ont surgi de la nuit. Un bruit de sabots au galop nous a fait nous
retourner, pour voir les trois soldats manquants traverser bruyamment la place.
Et nous voilà, Bran, Will Écarlate et le shérif de Glanville
suspendu entre nous comme un sac de maïs mouillé – attrapés comme des
voleurs la main dans le sac.
« Arrêtez ! Vous là-bas, arrêtez-vous ! * »
a crié le chevalier le plus proche.
« Il nous demande de nous arrêter, ai-je dit à Bran.
— J’avais compris. Continue à avancer. Nous les
sèmerons une fois arrivés aux chevaux. »
« Ils ont tué le shérif ! * » a hurlé
un autre.
J’aurais pu mal comprendre, mais ça m’a pris de court. « Ils
ont reconnu le shérif, ai-je haleté. Ils croient que nous l’avons tué.
— Dis-leur qu’ils se trompent. Dis-leur que c’est un
ami à nous ivre mort. Mais pour l’amour de Dieu, continue à
avancer ! »
J’ai suivi l’ordre de Bran, mais les chevaliers ont quand
même continué sur nous. Comme ils approchaient, j’ai vu que l’un d’eux portait
un paquet encombrant à travers le dos de sa monture. Alors que le chevalier
passait dans la lueur des flambeaux, j’ai vu une chevelure sombre et des petits
bras pendant mollement vers le sol. J’ai su aussitôt ce qu’ils avaient capturé.
« Bran ! ai-je sifflé, en laissant retomber le
shérif sur ses talons. Ils ont Gwion Bach ! »
CHAPITRE 32
Les chevaliers ont fondu sur nous en tirant leurs armes.
L’un d’entre eux nous a crié en ffreinc de nous arrêter. Bran a lâché les
épaules du shérif. De Glanville est retombé lourdement sur le sol gelé, ce qui
a semblé le réveiller un peu. Il s’est retourné sur lui-même en grognant.
En un éclair, nous avons longé l’église en hurlant à Iwan et
à Siarles que nous étions attaqués. Nous avons tourné à l’angle pour découvrir
qu’ils n’étaient pas encore revenus des écuries. Mais Tomas était là, nous
attendant avec les arcs longs garnis de leur corde et les épées dégainées. Nous
avons saisi un arc et une
Weitere Kostenlose Bücher