Will
à passer sur cette terre. Nous avons notre compte de chagrin. Nous
fleurissons telles d’humbles fleurs dans un champ, puis nous nous flétrissons.
Nous nous esquivons comme une ombre, et ne restons point. En plein cœur de la
vie nous sommes déjà dans la mort. Vers qui pouvons-nous nous tourner ?
Vers Vous seul, Seigneur, qu’à juste titre nos péchés indisposent.
« Malgré nos faiblesses et nos errances, Vous ne Vous
détournez pas de nous, Vous ne nous rejetez pas. Quand nous nous confessons,
Vous n’êtes que trop heureux de pardonner. Écoutez, ô Dieu aimant, l’ultime
confession de William Scatlocke…» Puis en levant les yeux au ciel, il me
dit : « Répétez mes paroles. »
Je hoche la tête, et nous poursuivons.
« Tout-Puissant Père très charitable, Créateur de toute
chose, Juge de tout un chacun, telle une pauvre brebis perdue je me suis
aventuré hors de Vos voies. J’ai par trop suivi ma propre route. J’ai enfreint
Vos saintes lois…»
Ses paroles sont simples et sincères, bien loin de celles
dont la plupart des prêtres font usage, et je sais qu’il fait tout son possible
pour moi.
« Nous avons laissé inaccomplies des choses que nous
aurions dû faire, nous avons fait des choses que nous n’aurions pas dû, il n’y
a aucune vertu en nous. » Qu’à présent il s’inclue dans ma prière me fait
sourire.
« Nous confessons que nous avons péché contre Vous et
nos frères. Nous admettons et confessons la méchanceté qui nous a si souvent
pris au piège. Ô Seigneur, ayez pitié de nous, pauvres pécheurs. Vous épargnez
ceux qui confessent leurs fautes. Nous nous repentons avec ferveur,
profondément désolés de tous nos méfaits, grands et petits. Juge Éternel et
Charitable, tant dans notre vie que lorsque nous venons à mourir, ne nous
laissez pas nous écarter de Vous. Ne nous abandonnez pas à l’obscurité et à la
douleur de la mort éternelle.
« Ayez pitié de nous, Bienveillant Rédempteur.
Accordez-nous la résurrection comme vous nous l’avez promise, et permettez-moi,
ô Père Charitable, de connaître Votre paix. Écoutez-nous, pour l’amour de Votre
Fils, et faites-nous connaître la joie céleste, au nom de Jésus-Christ notre
Seigneur. Amen. »
Je prononce mon « Amen », comme il me l’a indiqué,
puis nous nous asseyons un moment en silence. Je sens que les choses ont été
bien faites. Il n’y a plus rien à dire, ni qui doive être dit. Je n’en
demandais pas plus.
Au fond du couloir, j’entends le gémissement grinçant d’une
porte en fer. Mon temps est écoulé, je le sais. Ils viennent pour moi. Mon cœur
se serre à cette pensée, et je prends une profonde inspiration pour me calmer
les nerfs.
Sans cesse j’ai pensé à ce jour depuis qu’on m’a jeté dans
le donjon d’Hugo. À vrai dire, je le voyais différemment, sans trop savoir
comment ; je m’imaginais saluer ma dernière heure avec un sourire et un
petit hochement du chef. En fait, mes intestins ont décidé de se révolter, et
je sens la main froide de la mort lourdement appuyée sur mon épaule.
Il y avait tellement de choses que je voulais faire. C’est
trop tard à présent. Seule la mort m’attend hors de cette cellule. Rien
d’autre.
CHAPITRE 37
Saint-Martin : le pavillon
« Regardez ! Le voilà ! » s’écria le
comte de Braose d’une voix virevoltante d’excitation tandis qu’une épave
humaine aux pas traînants apparaissait à la porte du corps de garde.
Les visiteurs du comte se tournèrent, pour voir des soldats
ffreincs armés de lances se répandre en nombre hors du donjon. Conduits par le
marshal Guy, ils s’engagèrent sur la place du marché en tirant entre eux une
épave en loques. Les mains de l’homme étaient attachées, son pas mal
assuré – il donnait de la bande d’un côté comme si la terre ne cessait de
remuer sous ses pieds.
« Oh, voilà un sacré voyou ! poursuivit le comte
Falkes. On peut le dire rien qu’en le regardant. »
Les paroles du comte s’adressaient aux dignitaires en
visite, dont l’arrivée deux jours plus tôt avait surpris et exalté toute la
population de Saint-Martin. Elles furent traduites à ses hôtes par un prêtre
nommé Alfonso – un grand moine au teint cireux, assez sombre et empressé
dans sa nouvelle robe marron. Pendant que le comte Falkes regardait le
spectacle, tout sourire, ses invités échangèrent quelques mots. En tant
qu’Espagnols, ils étaient étrangers
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