Will
au trône d’Angleterre.
— Notre William n’est pas très aimé. Et si j’en crois
ce que m’a appris mon vieux maître Aelred, ses barons ont presque réussi à l’évincer
la dernière fois qu’ils se sont révoltés. Les choses n’ont fait qu’empirer pour
eux depuis lors. Je sais que William n’aime guère l’Église.
— Il se sert d’elle comme de son propre Trésor. Il
puise dedans chaque fois qu’il le peut.
— Oui, exactement, et c’est le fond de l’affaire. Notre
William la trait comme une vache, en gardant toute la crème pour lui. Mais si
ça devait prendre fin, son trône commencerait à chanceler, si vous voyez ce que
je veux dire.
— Avec à la fois les barons et l’Église contre lui, le
roi ne pourra pas tenir, a remarqué Bran. Je l’ai compris grâce à ton message.
— Un sacré coup de chance, ça. » J’ai secoué la
tête en revoyant l’improbable cascade d’événements que ce morceau de parchemin
avait déclenchée. « Je n’étais pas sûr de ce que vous en feriez, ou de ce
que vous seriez capable d’en faire. Je n’osais même pas espérer que ces
quelques lignes arriveraient jusqu’à vous. Je n’avais qu’Odo sur qui compter,
de toute façon. C’est un Normand, mais il m’a rendu un sacré service en fin de
compte. J’aimerais bien faire quelque chose pour lui un de ces jours. »
J’ai marqué une pause pour regarder autour de moi : la pièce vide, notre
compagnie extravagante. « Dieu m’en est témoin, mon seigneur, je n’aurais
jamais rêvé en arriver là – me retrouver assis dans le palais de
l’archevêque de Rouen et attendre que le roi d’Angleterre décide de notre
destin.
— Mon seigneur ! a crié Siarles depuis le fond de
la pièce. Doit-on rester assis ici toute la journée comme de la mousse sur un rondin ? »
Comme en réponse à sa question, le couloir a bruissé
d’agitation et la porte de notre pièce s’est ouverte. Le chanoine Laurent est
entré d’un pas décidé avec deux ecclésiastiques vêtus de robes identiques à la
sienne. Et sur leurs talons, trois chevaliers de la garde du roi William. Tous
arboraient une expression de gravité. Chaque soldat portait une épée à la
ceinture, et deux tenaient des lances. Le chanoine avait un morceau de
parchemin entre les mains. Il le tenait à plat, comme si l’encre n’avait pas
encore séché à la surface de la page. « Paix et grâce », a dit le
chanoine – ce que j’ai compris. « J’arrive directement du conseil
restreint du roi William, qui vous exprime sa plus haute considération et vous
envoie ce message. »
Mérian s’est approchée de Bran et a glissé sa main dans la
sienne. Ils se tenaient côte à côte, un couple improbable avec ces
déguisements. À notre tour, nous avons pris place auprès de notre seigneur et
de sa dame pour entendre le jugement royal. Peu importait ce que le roi avait
décidé, pour le meilleur et pour le pire nous l’entendrions tous debout, comme
un seul homme.
« Écoutez les paroles du roi, a dit Laurent en
brandissant le parchemin. Qu’il soit ici connu qu’en remerciement des services
rendus à notre couronne et à notre trône, William, roi d’Angleterre par la
grâce de Dieu, accorde par la présente la somme de trente livres d’argent au
seigneur Bran ap Brychan pour l’aider, lui et sa compagnie, à s’en retourner de
la façon dont ils sont venus…
— Quoi ? s’est plaint Iwan une fois que
l’essentiel nous a été traduit. Il nous renvoie chez nous ? Et la
restitution de nos terres ?
— Du calme, Iwan. » Bran a levé la main pour faire
silence, puis a hoché la tête en direction de Jago.
« Je vous en prie, poursuivez, a dit Jago au chanoine.
— De surcroît, a repris Laurent, Sa Majesté le roi
William vous informe qu’il vous attend à la résidence royale de Winchester
trois jours après la fête des Archanges, connue sous le nom de Saint-Michel. En
temps et en heure ici convenus, vous entendrez le jugement du roi quant aux
affaires exposées devant lui en ce jour. »
Et Laurent s’est tu. Levant les yeux de la proclamation, il
a repris : « Vous comprenez ce que je viens de vous
lire ? »
Après traduction de ses dires par Jago, Bran a pris la
parole : « Avec tout le respect que je dois au roi, nous allons
rester ici en attendant son jugement. Il se peut que nous ayons à témoigner
contre les rebelles.
— Non, a répondu l’ecclésiastique, une fois
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