Will

même titre que toutes
celles dont de Glanville détenait la clé. Ça me crevait les yeux à présent,
comme jamais auparavant : ils ne pourraient supporter cette désolation
beaucoup plus longtemps. S’il plaisait à Dieu, notre hardi roi William nous
donnerait bientôt réparation, et nous autres, peuple de la forêt, pourrions
ressortir à la lumière.
    J’ai vu poindre le visage de la petite Nia parmi les plus
jeunes. Je me suis furtivement glissé vers elle et l’ai soulevée de terre. Sans
même un cri, elle s’est retournée dans mes bras pour voir qui la tenait.
« Wii ! s’est-elle exclamée en agrippant ma barbe de ses deux mains.
Wii ! »
    Dieu la bénisse, elle essayait de prononcer mon nom.
« C’est moi, mon petit cœur. Le vieux Will est rentré. »
    Dans la volée rassemblée pour fêter notre retour, j’ai
entrevu Angharad, qui boitillait dans ma direction en s’aidant de son long
bâton, son visage ridé rayonnant de plaisir. « Je suis heureuse de te voir
de retour à la maison, William Scatlocke, a-t-elle pavoisé d’une voix
légèrement chevrotante. Le Seigneur des Armées a le sourire en ce jour.
    — Salutations, sage banfáith, lui ai-je répondu en
inclinant la tête et en touchant mon front du dos de la main. C’est si bon de
vous revoir.
    — À qui le dis-tu, Will. » Elle s’est approchée de
moi et m’a toisé un moment, tout sourire. Alors, les yeux fermés, elle a levé
une main et m’a posé deux doigts légers sur le front. « Père Tout-Puissant
et aimant, nous te remercions d’avoir sauvé la vie de notre ami, de l’avoir
délivré de ses ennemis et d’avoir répondu à nos prières en nous le ramenant.
Accordez-lui prospérité, bénissez-le, comme tous ceux qui l’estiment, en ce
jour et jusqu’à l’heure de son trépas. »
    Tandis qu’elle priait, je sentais la main de Nóin serrer mon
bras. J’ai remercié notre barde puis je me suis tourné vers tous ceux qui se
bousculaient pour m’accueillir. « Place ! Place ! » Avant
même que le cri s’éteigne, j’ai senti qu’on m’étreignait à m’en casser les
côtes et mes pieds ont décollé.
    « Tuck ! Vous êtes ici, vous aussi ?
    — Et où donc devrais-je me trouver, sinon parmi ma
chère volée le jour de votre miraculeux retour ? Nous attendions ce jour
avec impatience, mon ami. » Son visage rond rayonnait de joie. Dieu le
bénisse, il y avait des larmes dans ses yeux.
    J’ai tiré Nóin à moi. « Mon frère, si vous n’êtes pas
trop occupé, cette dame et moi aimerions beaucoup être mariés. Si vous n’y
voyez pas d’inconvénient, je veux que vous célébriez la cérémonie aujourd’hui
même.
    — Aujourd’hui ! s’est exclamé Tuck. Aujourd’hui,
qu’il me dit ! Bien ! » Puis, à Nóin : « Est-ce aussi
ce que tu désires ?
    — C’est mon vœu le plus cher, lui a-t-elle répondu, son
bras autour de ma taille.
    — Eh bien, dans ce cas, je ne vois pas de raison de
différer. » Tuck a regardé autour de lui. « Qu’as-tu fait de Bran et
des autres ? »
    Jetant un coup d’œil derrière moi, j’ai vu mes compagnons de
voyage debout au sommet du rempart naturel qui entourait Cél Craidd. Je les ai
appelés. « Pourquoi restiez-vous là-haut ? » leur ai-je demandé
lorsqu’ils nous eurent rejoints.
    — Nous voulions te laisser savourer seul ton accueil,
m’a expliqué Iwan.
    — Et vous comptez me laisser tout seul le jour de mon
mariage ?
    — Oh, Will ! Nóin ! » s’est écriée
Mérian. Elle a pris les mains de Nóin dans les siennes, puis m’a embrassé sur
la joue. « Quelle bonne nouvelle ! »
    Nous avons alors dû endurer les bons vœux de Bran, d’Iwan et
des autres à tour de rôle, et tout un chacun me bourrait de coups affectueux. À
la fin de la raclée festive, je me suis tourné vers Tuck et lui ai dit :
« Mon frère, je vous serais infiniment reconnaissant si vous pouviez
célébrer les rites sans attendre. » J’ai lancé un regard à Nóin, le désir
emplissait ses yeux sombres. « Aussitôt que possible. »
    Tuck a hoché la tête d’un air solennel. « Voulez-vous
prendre cet homme pour époux ? lui a-t-il demandé.
    — Oui, mon frère. Je le veux depuis longtemps, et je ne
connais pas meilleur jour pour le faire. Je le garderai pour toujours dans mon
cœur comme celui où mon homme m’a été rendu.
    — Alors qu’il en soit ainsi ! » Puis, se
tournant vers le Grellon entassé