Will
emplie d’horreur devant le spectacle, avait fait demi-tour pour
s’enfuir. L’homme l’avait poursuivie et rattrapée, et sachant ce qu’elle avait
enduré pour le retrouver, son cœur s’était gonflé d’amour pour elle. Et à ce
moment-là, il l’avait vue telle qu’elle était, et la force de son amour avait
transformé sa forme brisée en une autre, encore plus belle qu’auparavant.
Je l’avoue, ça ne s’arrêtait peut-être pas là, mais je
n’écoutais que d’une oreille, car je contemplais ma propre épouse en regrettant
de ne pas pouvoir m’esquiver avec elle jusqu’à la tonnelle en bouleau dans les
bois. Bran a dû deviner ce qui me trottait dans la tête, car quand la chanson
s’est terminée et que les gens en ont demandé une autre, il est venu derrière
moi et m’a dit : « Vous deux, allez-y maintenant. Mérian et moi
allons prendre vos places. »
Nous n’avions pas besoin de nous l’entendre dire deux fois.
Aussi sec, je me suis levé du banc en prenant Nóin par la main. Nous avons
voleté dans les bois, laissant Bran et Mérian à la table. À la lumière d’une lune
d’été, nous avons suivi le sentier jusqu’à la tonnelle, où des bougies avaient
déjà été allumées. De l’hydromel nous attendait dans un pot devant un petit
feu. Des toisons avaient été étendues sur un lit de paille fraîche. Il y avait
de la nourriture sous un tissu en prévision de la rupture de notre jeûne au matin.
« Oh, Will ! s’est écriée Nóin quand elle a vu tout ça, c’est si
charmant – exactement comme j’espérais que ce serait.
— Moins charmant que vous, ma dame. » Je l’ai
attirée à moi et lui ai donné le premier des innombrables baisers que nous
avons échangés cette nuit-là.
Quant au reste, je n’ai pas besoin de vous le raconter. Si
vous avez jamais aimé quelqu’un, vous le savez parfaitement. Dans le cas
contraire, rien de ce que je pourrai vous dire ne vous éclairera.
CHAPITRE 44
Caer Rhodl
Même s’il avait su que ce jour arriverait, la nouvelle prit
le baron Neufmarché par surprise. Il rentrait à peine d’un court voyage à
Lundein, et venait de se rendre à sa chapelle assister à la messe et prier Dieu
pour son retour sans encombre et une saison d’affaires lucratives. Le père
Gervais était en train d’officier, et le vieux prêtre, qui d’ordinaire débitait
son discours sur un ton monotone, presque incompréhensible, se ragaillardit
quand le seigneur d’Hereford apparut à la porte de la petite église en pierre
engoncée à l’intérieur des murs du château.
Prêtre et fidèle se saluèrent d’un coup d’œil et d’un
hochement de tête au moment où le baron se glissa dans la stalle de bois close
qu’utilisait sa famille lors de ses observances dans la chapelle. Le prêtre parcourut
les diverses séquences de l’office du jour, s’attardant sur les Saintes
Écritures de sorte que le baron, dont il savait le latin limité, puisse suivre
plus facilement. Les yeux fermés, il psalmodiait : « Deus, qui
omnipotentiam tuam parcendo maxime et miserando manifestas », sa
vieille voix se cassant sur les notes qui jadis sortaient si facilement.
Bercé par ces longues tirades familières, Bernard sentit ses
muscles se relâcher. La fatigue du voyage le rattrapa, et sa tête tomba en
arrière contre le haut de la stalle. Il s’abandonna aussitôt au sommeil,
jusqu’à ce que quelque urgence intérieure le réveille vers la fin de l’office.
En entendant les mots « Dominus vobiscum », il se redressa.
Le père Gervais faisait le signe de croix au-dessus de l’autel
du sanctuaire presque vide. « Benedicat vos omnipotens Deus Pater et
Filius, et Spiritus Sanctus », psalmodia-t-il d’une voix grave dans la
petite chapelle en pierre, et Neufmarché se joignit à lui au moment du
« Amen ».
Le service prit fin, et le prêtre sans âge descendit de
l’estrade pour saluer le baron. « Mon cher Bernard, dit-il en tendant ses
mains pour l’accueillir, vous êtes revenu sans encombre. J’espère que vous avez
fait un voyage fructueux ?
— Il l’a été, mon père. » Le baron étouffa un
bâillement du dos de la main. « Très fructueux. » Le vieil homme lui
prit le bras et tous deux sortirent dans la lumière éclatante d’une splendide
journée de fin d’été. « Et vous, comment allez-vous, mon père ? lui
demanda-t-il tandis qu’ils cheminaient sur le sentier ombragé menant des
remparts
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