Will
garder le trésor.
— Donc, vous n’avez absolument rien découvert, conclut
Odo. Un voyage pour rien.
— Le moulin divin moud lentement, mon ami tonsuré, mais
il moud excessivement fin. Il arrive, rarement, que nos voies ne soient pas les
Siennes. »
Odo me lance un regard mauvais. « Alors pourquoi dire…
— Tu sauras tout en temps voulu » , je
réponds, étouffant son objection dans l’œuf.
Frère scribe soupire comme un soufflet cassé, et nous
reprenons péniblement…
Bon, une fois seuls dans les quartiers privés de l’évêque,
nous en sommes bientôt venus à montrer la lettre à l’homme d’Église. Il nous a
confirmé qu’elle était effectivement écrite en ffreinc.
« Pouvez-vous nous dire ce qu’elle raconte ? a
demandé un Siarles plein d’espoir.
— Je suis désolé, mon ami, a dit l’ecclésiastique avec
un mince sourire. Pareil talent excède cette vieille tête, j’en ai peur.
— Vous ne pouvez vraiment rien faire ? »
ai-je insisté, agacé et passablement déçu d’avoir pris tant de risques en vain
pour venir ici.
Le vieil homme a baissé la tête sur le carré de parchemin et
l’a étudié une fois encore, le nez presque collé dessus. « Ah, oui !
Ici, s’est-il écrié en pointant un mot au milieu de la page, c’est marqué carpe
diem.
— Du latin ? » ai-je demandé.
Asaph a hoché la tête. « Cela signifie “profite du
jour”. On pourrait voir ça comme une exhortation à se mettre au travail,
peut-être, ou à tirer le meilleur parti d’une occasion qui se présente. »
Il a haussé les épaules. « Quelque chose comme ça, en tout cas. »
Donc, à part une ou deux bribes de latin, nous n’étions
guère plus avancés, sinon sur un point : nous savions que le comte de
Braose tenait tant à récupérer ses marchandises volées qu’il n’hésiterait pas à
pendre toute la population de l’Elfael pour cela.
« N’y a-t-il rien d’autre que vous puissiez nous
dire ? a demandé Siarles.
— Je suis désolé, a répondu le vieil homme comme la
cloche sonnait les prières du soir. Personne ne peut lire le ffreinc
ici. » Une pensée a alors éclairci son regard. « Peut-être qu’un des
moines de Saint-Dyfrig pourrait vous aider. »
Ayant découvert les cruels projets que de Braose réservait
aux hommes et aux garçons de l’Elfael, Siarles et moi répugnions à perdre ne
fût-ce qu’une journée à prolonger une quête qui n’avait aucune chance de
réussir. « Nous devons partir sur l’heure, lui a dit mon compagnon.
Pourriez-vous la garder, mon père ? »
Le vieil homme n’aimait guère cette idée. Qui pourrait l’en
blâmer ? C’était une mission bien dangereuse que nous lui demandions. Mais
il s’estimait par trop redevable à son bienfaiteur pour refuser
catégoriquement. Ses yeux pâles suppliaient qu’on l’excuse, et je me sentais
vraiment désolé pour lui. Mais c’était le seul moyen. Même si nous avions eu du
temps à perdre, nous ne connaissions personne à Saint-Dyfrig, et encore moins à
qui se fier. L’évêque Asaph le comprenait lui aussi, je pense, car en fin de
compte il s’est laissé persuader de garder la lettre. Mais s’il consentait à
cela, il excluait qu’on cache le reste du trésor au monastère.
Il l’avait décidé avant même que nous lui montrions le
paquet contenant l’anneau et les gants. Ça ne faisait aucune différence ;
le vieil homme ne changerait pas d’avis. « Je ne sais pas de quoi il
s’agit, ou d’où vous le tenez. » Siarles a ouvert la bouche pour lui
expliquer, mais Asaph a levé la main pour l’en empêcher. « Et je ne
souhaite pas le savoir. De plus, s’il arrivait quelque chose et qu’un de ces
objets était trouvé ici, mes moines et les quelques âmes perdues sous ma
responsabilité en souffriraient. » Il a secoué la tête, la bouche pincée.
« En tant que berger de mon troupeau, je ne peux en conscience le
permettre. »
C’était donc cela.
Nous avons partagé un dîner cordial et fait un petit
somme – nos chevaux aussi avaient besoin de repos. À notre réveil vers
minuit, nous avons pris la route de Cél Craidd sous une froide lune d’hiver.
L’observance de l’Épiphanie avait lieu dans six jours. C’était tout le temps
qu’il nous restait avant le début des pendaisons.
CHAPITRE 23
Le soleil était presque couché et un brouillard glacé
montait avec la lune à l’est lorsque nous avons atteint
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