Will
éloigné des jeux de pouvoir et d’influence qui
allaient de pair avec le roi et sa cour – le seul espoir pour un seigneur
sans terre d’obtenir de l’avancement, ou même quelque revenu.
Le marshal Guy de Gysburne avait encore besoin de l’abbé,
parce qu’il avait encore besoin du baron, et en dernière instance du roi. Mais
dès qu’une meilleure situation se présenterait, il n’hésiterait pas à la
saisir. Pour l’heure, cependant, la perspective de commander une nouvelle
compagnie constituait un événement bienvenu, qu’il était bien décidé à tourner
à son avantage.
Après avoir avalé quelques gorgées de vin et un peu de pain,
les chevaliers se mirent en selle et s’en furent, prenant au nord une fois
sortis de la ville, en direction des collines broussailleuses et des grands
bras enveloppants de la forêt. L’air était vif, le ciel moucheté de nuages
bordés de gris qui passaient telles des ombres sur le vert tacheté de neige des
coteaux devant eux. Les soldats, heureux d’avoir une chance d’explorer leur
nouveau territoire encore peu familier, galopaient par monts et par vaux, se
délectant de la puissance de leurs montures.
Une fois en lisière de la forêt, ils trouvèrent une piste de
gibier et s’enfoncèrent dans le long tunnel sombre tapissé d’arbres, assez
large pour qu’ils n’aient pas à descendre de cheval. Chacun tenait sa lance
prête dans le cas où il croiserait un cerf ou une biche, ou quelque créature
bonne à chasser. Mais bien qu’ils eussent suivi la piste s’enfonçant en plein
cœur de la forêt, les apprentis chasseurs ne trouvèrent rien qui fût digne de
les divertir, et comme le jour commençait à décliner, Guy signala à Jocelin,
qui chevauchait en tête, qu’il était temps de rentrer.
Ne goûtant guère l’idée de partir sans ensanglanter sa
lance, Jocelin suggéra : « Mon seigneur, autorisez-nous à galoper
jusqu’au sommet de cette arête, là-bas. Si nous n’avons pas trouvé de piste
fraîche d’ici là, nous ferons demi-tour.
— La piste est froide aujourd’hui, et je commence à
avoir faim. Restons-en là, ajouta Guy en faisant pivoter sa monture, et
gardez-vous un cerf ou deux pour un autre jour. »
Les soldats le suivirent à contrecœur. Aussitôt qu’ils
eurent quitté la forêt, la chevauchée se transforma en course. Lâchant la bride
à leurs chevaux, ils partirent au galop en direction du soleil couchant. Ne
voulant pas retenir leur fougue plus longtemps, Guy les laissa faire.
« Dois-je les rappeler ? » s’enquit Jeremias,
en serrant la bride à côté du marshal tandis que le dernier des soldats
disparaissait derrière la colline.
« Non, sergent, ça ne servirait à rien. Chevaucher leur
fera du bien. »
Tous deux progressèrent au petit trot jusqu’à l’endroit où
ils avaient vu le dernier cavalier. C’est à ce moment qu’ils entendirent des
cris et des hurlements qui résonnaient depuis la vallée en contrebas. À peine
une ride entre deux pentes, la vallée orientée sud-est s’élargissait légèrement
avant de finir en affleurement rocheux. Là, au centre de l’étroit défilé, se
trouvait un vacher gallois avec son troupeau.
Les soldats, qui encerclaient l’homme et ses quelques bêtes
effrayées, s’amusaient à les disperser. S’élançant en tous sens, leurs chevaux
déchaînés, ils chargeaient encore et encore tandis que le Gallois éperdu
tentait de réunir ses vaches affolées.
Alors que le marshal Guy et son sergent les regardaient
faire, une des bêtes terrifiées s’échappa du troupeau et partit en beuglant
dans la vallée. Jocelin poussa un cri sauvage et partit au galop. Il fondit
rapidement sur sa proie et, d’un coup rapide, enfonça le fer de sa lance dans
le flanc de la vache. La pauvre créature beugla de plus belle, mais le soldat
la piqua à plusieurs reprises.
La vache s’effondra sur ses genoux et, toujours meuglante,
roula sur le flanc. Après avoir fait pivoter sa monture, le chevalier alla lui
donner le coup de grâce d’une prompte attaque entre les côtes qui lui
transperça le cœur.
Voyant à quel point cela paraissait amusant, les autres
chevaliers entreprirent d’imiter leur camarade. Ignorant les cris du vacher, les
soldats ffreincs se hâtèrent d’isoler une autre bête du troupeau et la
conduisirent toute beuglante plus bas dans la vallée pour l’abattre. Le
troisième, un jeune bœuf, ne s’en laissa pas compter : il attaqua
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