Will
notre asile forestier
de Cél Craidd. Nous avions poussé nos montures tout au long du trajet, et elles
étaient à la limite de s’effondrer. Pourtant, les Gallois élèvent des petites
bêtes robustes, tout le monde le sait. Elles ne se sont ragaillardies qu’une
fois en vue de la forêt, se sachant bientôt de retour chez elles.
Le Grellon, déjà réuni devant le Chêne du Conseil lorsque
nous sommes entrés dans la clairière, nous a accueillis avec un vif intérêt. Je
me suis laissé glisser au sol, en quête du visage que soudain je voulais voir
plus que tout autre. Mais avant que je ne parvienne à le trouver, on m’a pris
par l’épaule pour me faire pivoter.
« Nóin, je…» C’était tout ce que j’avais réussi à
prononcer avant de me retrouver dans son étreinte.
Elle m’a embrassé, très fort, encore et encore. « Tu
m’as manqué, Will Écarlate. » Sa joue contre la mienne, je pouvais la
sentir frissonner sous sa cape, et je savais que ce n’était pas simplement à
cause du froid. « J’avais peur qu’il te soit arrivé quelque chose.
— Ah, non, rien qu’une bonne nuit de sommeil ne saurait
guérir, lui ai-je répondu gaiement en la serrant très fort contre moi.
— Siarles ! Will ! » a crié Bran en
traversant la clairière à grands pas pour nous accueillir. Tuck, Iwan et Mérian
avançaient à sa suite, glissant sur la neige tassée. « Quelles
nouvelles ? »
Sans même prendre le temps de reprendre son souffle, Siarles
leur a parlé des pendaisons. « Entre cinquante et soixante Bretons vont
perdre la vie si nous n’agissons pas vite. C’est à nous de les sauver. »
Un tollé général s’est élevé parmi le Grellon, qui réclamait
la permission de marcher sur Château Truan pour libérer les prisonniers.
« Hors de question », a dit Bran en élevant la voix pour se faire
entendre. Il a ordonné à son conseil de l’accompagner, demandant également
qu’on apporte à boire et à manger aux voyageurs. La petite troupe s’est
empressée de le rejoindre dans sa hutte.
Ainsi a commencé une longue séance de rumination à propos de
ce que nous avions appris, de ce que cela pouvait signifier et de ce nous
allions en faire. « Asaph a refusé qu’on lui confie l’anneau et les gants,
a expliqué Siarles en rendant à Bran le paquet emballé de cuir. Et il n’a pas
pu lire la lettre.
— Mais nous avons réussi à le persuader d’emporter le
parchemin à l’abbaye pour voir si quelqu’un peut nous aider là-bas, ai-je
expliqué. Nous l’aurions bien fait nous-mêmes, mais avec l’abbé décidé à pendre
la moitié de l’Elfael, nous avons estimé préférable de revenir ici en vitesse.
— Vous avez bien fait, a dit Bran. À n’en pas douter,
c’est ce que j’aurais fait. »
Iwan et les autres ont acquiescé, et ils ont commencé à
discuter des pendaisons et de ce qu’on pouvait faire pour les empêcher. J’ai
tenu aussi longtemps que possible, mais bientôt la chaleur du foyer s’est
combinée à la nourriture pour me donner un bon coup de massue sur la tête. Bran
a remarqué mes bâillements et, après m’avoir remercié de leur avoir apporté ces
nouvelles aussi vite, m’a ordonné d’aller prendre un peu de repos.
Après m’être glissé hors de la hutte de Bran, je suis allé
rejoindre Nóin qui m’attendait devant son propre petit foyer. La petite Nia
était endormie sur sa natte dans un coin et Nóin alimentait paresseusement le
feu avec des brindilles. Elle s’est retournée et m’a souri. « Ils t’ont
gardé longtemps.
— En effet, mais je suis là à présent. » Je me
suis installé sur la peau de chevreuil à côté d’elle. « Ah, ai-je soupiré,
rien de tel qu’un bon feu et un toit au-dessus de sa tête quand vient la nuit.
— Et tu es un forestier courageux ! m’a-t-elle
réprimandé doucement, en levant sa main chaude jusqu’à mon visage. Bon,
repose-toi, Will Écarlate. » Elle a marqué une pause, et m’a souri.
« Inutile de t’agiter jusqu’à l’aube si tu préfères dormir. »
Nous nous sommes embrassés, et elle s’est blottie dans mes
bras. Nous avons un peu parlé – mais malgré tous mes efforts, je ne
pouvais pas garder les yeux ouverts. Je me suis endormi, Nóin dans mes bras.
Je me suis réveillé le lendemain matin enveloppé dans sa
cape. Quand je me suis redressé, nulle autre que Nia me regardait, son visage
de sylphide rayonnant d’une sorte de bonheur
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