Will
de
ralliement d’un commandant sur le champ de bataille. Les soldats cessèrent leur
entraînement et se tournèrent pour voir le grand marshal maigre et blond
traverser la cour à grands pas.
« Lord Gysburne ! cria un des chevaliers à ses
camarades. Garde à vous ! Lord Gysburne est de retour. »
Les autres stoppèrent leur duel et se regroupèrent pour
aller à la rencontre de leur commandant. « À votre service, mon
seigneur », dit le chevalier le plus proche, un jeune homme au cou de
taureau, aux épaules larges, et qui, comme les autres, avait les poignets épais
et les jambes légèrement arquées de ceux qui passent la majeure partie de leur
courte vie sur un cheval, une épée à la main. Les autres, nota Guy, semblaient
l’accepter comme le chef de la bande et leur porte-parole.
« Le sergent nous a dit que vous étiez parti, expliqua
le jeune chevalier. J’ai estimé préférable d’occuper nos lames jusqu’à votre
retour. » Il sourit, ses yeux bleus baignés de soleil. « Jocelin de
Turquétil, pour vous servir.
— Bienvenue, Jocelin, répondit Guy. Et à vous tous,
ajouta-t-il en se tournant vers les autres. Soyez les bienvenus en Elfael. Et
maintenant, si le reste d’entre vous a des noms, qu’on me les donne. »
Ils entreprirent de se présenter à tour de rôle :
Alard, Osbert, Warin, Ernald, Baldwin et Hamo. Ils parlaient avec l’exubérance
tranquille d’hommes pour qui le jour réserve seulement des bonnes surprises,
jamais de déception. Ainsi que Guy l’avait présumé, deux venaient d’Angevin et
trois des terres du baron en Aquitaine ; les autres étaient nés en
Angleterre, mais avaient grandi en Normandie. C’était leur premier séjour dans
le Wallia, mais tous avaient entendu parler de la férocité des Bretons et
avaient hâte d’en découdre.
Le sergent Jeremias fit alors son apparition dans la cour
et, voyant le marshal, vint en hâte le saluer. « Que Dieu vous garde, mon seigneur.
Nous vous attendions depuis quelques jours. J’espère que vous avez fait un
voyage paisible.
— Sans le moindre incident.
— Et votre père se porte bien ?
— On ne peut mieux. » Puis, désignant les soldats
réunis autour de lui : « Il semble que nos rangs aient grossi en mon
absence.
— Comme vous pouvez le voir, lord marshal, lui confirma
Jeremias. Et, si je puis me permettre, ils sont sans égal. Monseigneur Hugo est
ravi.
— Alors qui suis-je pour contredire
l’abbé ? » fit remarquer Guy avant d’ordonner à sa nouvelle cohorte
d’aller seller les chevaux et de se préparer pour une journée de chasse. Les
soldats se précipitèrent vers leurs montures, laissant le marshal et le sergent
seuls dans la cour.
« Allez vérifier que tout est prêt, lui ordonna Guy. Je
dois aller informer l’abbé de mon retour.
— Ah, inutile. Il est parti et on n’attend pas son
retour avant la Saint-Vincent.
— Bien, dans ce cas, nous devrons nous débrouiller du
mieux que nous le pourrons. » Guy avait le cœur léger à l’idée de ne pas
devoir courtiser l’abbé pour cette petite excursion. À dire vrai, il n’aimait
pas beaucoup l’abbé Hugo – il le respectait, lui obéissait et avait juré
de le servir au meilleur de ses capacités… mais il n’appréciait guère son
arrogance, sa vanité et ses exigences toujours plus pressantes qui commençaient
à lui peser.
Il était plus que redevable à Hugo d’avoir pris son parti à
la suite de sa première rencontre désastreuse avec le Roi Corbeau – l’abbé
ne manquait jamais de le lui rappeler. Le baron aurait cravaché le jeune
marshal et l’aurait dégradé sans l’intervention d’Hugo. Guy savait que ce
n’était pas par sympathie ou compassion envers sa personne que l’ecclésiastique
avide de pouvoir avait agi ; à l’instar des nouvelles recrues, tout cela
faisait partie d’un plan soigneusement conçu pour obtenir une troupe qui ne
dépende que de lui seul.
Guy appréciait de moins en moins ses fonctions de commandant
au service de l’abbé. En fait, il avait bravé le froid des contrées du nord
uniquement pour voir s’il pouvait trouver une place dans l’escorte de son père.
Malheureusement, les circonstances qui l’avaient poussé à partir pour le sud et
l’avaient forcé à lier son destin à celui du baron de Braose demeuraient
inchangées. Il n’y avait rien à faire au nord et, comme il l’avait découvert
depuis longtemps, c’était trop
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