Will

écoutez-le ! » a tonné
Iwan avec enthousiasme. Sans doute s’était-il irrité de devoir rester inactif
pendant que Siarles et moi étions au loin, sans doute, comme nous tous, le fait
que notre voyage n’aboutisse à rien l’avait-il déçu. Maintenant que surgissait
la perspective de pouvoir faire quelque chose, chacune des fibres britanniques
en lui votait pour.
    « Fort bien, a affirmé Tuck. Et que proposes-tu de
faire ?
    — Nous allons rendre les trésors pris lors de
l’embuscade.
    — Les rendre ! s’est écrié Siarles. Mon seigneur,
réfléchissez à ce que vous êtes en train de dire ! »
    Bran l’a fait taire d’un regard. « Je propose de les
rendre avant que le shérif pende quelqu’un. » Siarles a râlé et roulé des
yeux, mais le sourire de Bran s’est élargi. « Écoutez-moi, nous avons
encore cinq jours avant la nuit de l’Épiphanie – cinq jours avant de
restituer le trésor. Cinq jours pour apprendre pourquoi les Ffreincs y tiennent
autant.
    — Bien, a dit Mérian. C’est la chose la plus
raisonnable que j’aie entendue depuis Noël. Mais si vous croyez que le shérif
va gentiment vous laisser pénétrer dans son château, vous feriez mieux d’y
réfléchir à deux fois. » Elle nous a considérés avec hauteur. « Bon,
quelqu’un a-t-il une idée pour rendre ce qui a été volé sans être pendu pour vol ?
Quelqu’un a-t-il un plan ? »
    Bran a entendu le fer dans sa voix et a répondu :
« Vous avez raison de nous mettre en garde, ma dame. Avez-vous conçu
pareil plan ?
    — Il s’avère que oui, a-t-elle déclaré avec un
contentement manifeste.
    — Et nous l’exposeras-tu ?
    — Volontiers. » Elle a légèrement incliné son beau
visage par égard pour lui. Puis, se tournant de nouveau vers ceux qui se
tenaient rassemblés autour du foyer, elle a ajouté : « Cependant, je
suis sûre qu’une fois que vous aurez entendu ce que j’ai à dire, vous
organiserez un bien meilleur banquet sur les tables que je me propose de
garnir…»
     
    « Qu’est-ce qu’elle a dit ? » demande Odo. Il
lève la tête et se frotte l’aile du nez d’impatience.
    « Cela, dis-je en bâillant à m’en décrocher la
mâchoire, devra attendre jusqu’à demain.
    — Oh ! Vous avez fait ça exprès pour me
contrarier.
    — Nous parlons depuis longtemps, mon frère, et je suis
fatigué. » Je me passe une main sur le visage. « Laisse-moi me
reposer.
    — Vous êtes un méchant homme, Will Écarlate »,
ronchonne Odo tandis qu’il ramasse encrier et parchemin.
    Je roule sur le côté jusqu’à me retrouver face au mur de
pierre humide. « Ferme la porte derrière toi, lui dis-je comme si j’étais
déjà à moitié endormi. Il fait vraiment froid ici, la nuit. »
    Il hésite à la porte. « Dieu soit avec vous cette nuit,
Will. » Il s’en va d’un pas traînant, que j’écoute jusqu’à ce qu’il
s’éteigne. Et une fois encore je me retrouve seul dans l’obscurité avec mes
pensées pour seule compagnie.

CHAPITRE 24
    « Qu’est-ce qu’elle a dit ? » me demande
frère Odo, qui s’agite hors d’haleine dans ma cellule. Il ressemble tellement à
un grand chiot – tout en ferveur folasse – que ça m’arrache un
sourire.
    J’ai comme l’impression que mon scribe, aussi ennuyeux
qu’aimable, est tout autant prisonnier des machinations de l’abbé Hugo que Will
Écarlate. Il s’assied là presque tous les jours pour griffonner dans cette
fosse sombre, froide, humide de boue et de moisissure. La puanteur de la pisse
et de l’eau stagnante dans les narines, il remplit consciencieusement son
office sans jamais se plaindre. C’est une amitié bizarre qui a grandi entre
nous. Je me demande ce qu’elle peut supporter.
    « Dieu soit avec toi ce matin, Odo. »
    Il s’installe à sa place, une courte planche en équilibre
sur les genoux, et commence à tailler une nouvelle plume. « Qu’est-ce
qu’elle a dit ?
    — Qui ?
    — Mérian ! » L’impatience rend sa voix douce
aussi stridente que celle d’une vieille poissonnière. « Vous vous
souvenez, ne faites pas semblant. Nous parlions du conseil du Roi Corbeau.
    — Soupe et saucisses. » Dans un soupir, je secoue
la tête de consternation lasse. « Tu es sûr que c’est de ça que nous
parlions ? J’ai dû m’endormir dessus. Je n’en ai pas le moindre souvenir.
    — Moi je m’en souviens ! Le seigneur Bran a réuni
un conseil et Mérian vous a