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1914 - Une guerre par accident

1914 - Une guerre par accident

Titel: 1914 - Une guerre par accident Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges Ayache
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… »
Vienne, 13 juillet, 11 h 00
    L’acharnement au travail des deux diplomates autrichiens
était louable en cette période estivale. La mission qui avait été assignée au
baron Alexander von Musulin et au D r  Friedrich Wiesner
n’était pas des plus simples. Ils étaient chargés de rédiger la note officielle
de l’Autriche à la Serbie, en réponse à l’assassinat de l’archiduc. L’exercice
ne ressemblait en rien aux télégrammes, dépêches et autres mémorandums qui
faisaient le quotidien de l’activité diplomatique habituelle.
    Lorsque le ministre Berchtold les avait reçus, une semaine
plus tôt, dans son cabinet de travail décoré dans un style pompier rouge et or,
il n’avait pas pris de gants :
    — Ce n’est pas une note diplomatique classique dont il
s’agit. C’est un ultimatum. Soyez aussi durs qu’il est possible de l’être…
    Les deux hommes étaient restés songeurs. Montant du
Volksgarten, un doux parfum de tilleul rendait l’atmosphère encore plus
irréelle. Argumenter avec Berchtold était peine perdue, ils le savaient.
Wiesner avait néanmoins pris son courage à deux mains :
    — Il y a une difficulté, monsieur le ministre. La
sévérité de cette note doit répondre à la certitude d’une implication de la
Serbie dans l’assassinat. Jusqu’ici, il ne s’agit en droit que d’une affaire
bosniaque donc autrichienne…
    Berchtold s’était emporté :
    — Une affaire autrichienne ! C’est absurde, vous
le savez bien !
    Puis il s’était presque aussitôt ravisé :
    — D’accord, Wiesner, d’accord. Dans ces conditions, je
vous ordonne d’aller enquêter sur place en Bosnie. Partez sans tarder. Et découvrez
le plus de choses possible !
    Ce serait bien le diable si l’on ne parvenait pas à faire
remonter la piste jusqu’à Belgrade. Il y avait forcément un ministre serbe,
sinon plusieurs, à avoir trempé dans l’affaire. Il était impossible qu’il en
fût autrement. On verrait alors ce qu’on verrait !
    Dès le lendemain, Wiesner s’était rendu à Sarajevo. Il avait
cherché, il avait fouillé, il avait interrogé sans relâche. Une semaine plus
tard, il en était revenu avec un rapport minutieux. Et une conclusion désespérante :
« Les éléments précédant l’attentat n’offrent aucune preuve confirmant une
propagande faite par le gouvernement serbe. Que ce dernier ait eu connaissance
de l’attentat ou de sa préparation et ait fourni des armes, il n’y a absolument
rien pour le prouver… Il y a, au contraire, beaucoup d’éléments pour en
démontrer l’impossibilité [104] . »
    En fait de coupables, le rapport Wiesner désignait quelques
fonctionnaires serbes des frontières et des douanes, un commandant de l’armée
serbe ainsi qu’un employé des chemins de fer bosniaque. C’était trop maigre
pour être monté en épingle et pour accuser officiellement Belgrade. Berchtold
le savait mieux que quiconque.
    Il décida pourtant de passer outre. Ce n’était qu’un
rapport, après tout. Comme tout rapport gênant, celui-ci finirait dans un
tiroir ou dans un placard. Berchtold fit soigneusement le silence sur ce
document, non sans inviter ses auteurs à en faire de même. Il ne le
communiquerait même pas aux autres membres du gouvernement. Il lui fallait à tout
prix un coupable et que ce coupable fût la Serbie !
Paris, 14 juillet, 11 h 00
    La scène valait son pesant de pittoresque. Comme tous les
ambassadeurs en poste à Paris, le Russe Alexandre Petrovitch Iswolsky
sacrifiait au protocole diplomatique en ce jour de fête nationale française.
Quoique représentant du régime le plus autocratique d’Europe, il ne pouvait
faire moins que présenter ses félicitations au président d’une république
héritière de la grande révolution.
    Depuis des lustres, Alexandre Petrovitch traînait une
réputation de vieux renard des chancelleries européennes. Dans les salons
mondains, ce sexagénaire embaumant le parfum à la violette était regardé comme
un aventurier cynique. Certains voyaient en lui un être vaniteux et intrigant.
D’autres le disaient corrompu sinon corrupteur. Personne ne se trompait
vraiment.
    Que ne s’était-on moqué en septembre 1908 lorsque
Iswolsky, alors ministre des Affaires étrangères du tsar, s’était laissé gruger
comme un gamin par son homologue autrichien, le comte d’Aerenthal ! À
l’époque, les deux diplomates négociaient ferme pour trouver une issue à

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