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1914 - Une guerre par accident

1914 - Une guerre par accident

Titel: 1914 - Une guerre par accident Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges Ayache
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remplacer le Premier Lord
naval l’amiral Arthur Wilson, jugé trop mou, par l’amiral Francis Bridgeman. Il
songeait également à substituer, pour le commandement en chef de la Home Fleet,
l’amiral John Pellicoe à l’amiral George Callaghan. Il y eut des protestations.
Comme souvent, Winston aurait recours à une pirouette : « Les
préparatifs exercent sur moi une odieuse fascination. Je prie Dieu de me
pardonner cette effroyable légèreté [171] . »
    Dans les allées du pouvoir, on chuchotait que la crise
rendait Churchill euphorique. Elle comblait en tout cas ce diable d’homme fait
pour l’action. Deux ans plus tôt, dans une note adressée à Asquith et Grey, il
avait écrit : « Tout homme au courant des faits doit sentir que nous
avons les obligations d’une alliance sans en avoir les avantages et, surtout,
les limites précises [172] . »
    Ce n’était pas l’opinion d’un Charles P. Scott qui
vitupérait sans relâche dans les colonnes du Manchester Guardian  :
    « Nous devrions bien faire comprendre tout d’abord que
si la Russie et la France font la guerre, nous ne les suivrons pas [173] . »
     
    Au palais de Buckingham, loin des polémiques, le roi
George V consignait paisiblement dans son Journal personnel :
« Il semblerait que nous soyons à deux doigts d’une guerre européenne à
cause de l’ultimatum envoyé par l’Autriche à la Serbie [174] . »
Le genre de réflexion qui donnait à Lloyd George des tentations
d’impertinence :
    — Le roi est un brave gaillard. Dieu merci, il n’a pas
grand-chose dans la tête [175] …
    *
    À la City, imperturbables, les assureurs des Lloyds fixaient
à 20 % la prime de risque liée à une éventuelle implication de
l’Angleterre dans un conflit continental à échéance de trois mois. De son côté,
le Times reproduisait non sans inquiétude un article du New York Sun publié l’avant-veille dans lequel il était écrit : « Une guerre
générale en Europe garantirait que l’avenir économique appartiendra aux
continents américains, en particulier à l’Amérique du Nord [176] . »
    Des signaux aussi peu avenants ne semblaient guère
effaroucher les Asquith qui, la veille, avaient envoyé leur fille cadette
Elizabeth en Hollande, dans la famille de leur ami George Keppel.
Saint-Pétersbourg, 28 juillet, 11 h 00
    — Ce n’est en somme qu’une question de mots !
    Le commentaire de Serguei Sazonov, quatre jours plus tôt
lorsqu’on lui avait montré le texte de l’ultimatum autrichien, était un peu
court. Mais la plupart des exigences de Vienne lui paraissaient acceptables. À
peu près trois d’entre elles seulement pouvaient prêter à négociation. Un
adjectif par-ci, un adverbe par-là, rien de gravissime au fond. On n’allait
tout de même pas partir en guerre pour des divergences lexicales ou
syntaxiques !
    Même si on le disait parfois impulsif, Sazonov n’était pas
un homme passionné. C’est sans doute ce qui lui valait une réputation
d’irrésolution voire de pusillanimité. Le grand-duc Paul ne voyait en lui qu’un tchinovnik , un petit fonctionnaire. L’intéressé n’en avait cure. Il
avait la confiance de l’empereur. Et la réponse de Belgrade, qu’il avait
largement encouragée, l’avait rassuré.
    — Beaucoup mieux que nous aurions pu espérer [177] …
    Aujourd’hui, d’ailleurs, la réflexion était plus que jamais
de rigueur. Et la passion, comme toujours, mauvaise conseillère. En quatre jours,
pourtant, que de choses avaient changé ! On n’en était plus à ergoter sur
des mots ou des tournures de phrase, histoire de ménager des susceptibilités.
Aujourd’hui, l’Autriche venait de déclarer officiellement la guerre à la
Serbie. La Russie était au pied du mur, à l’épreuve de la solidarité slave. À
l’épreuve de son statut de grande puissance.
    Mais le canon n’avait pas encore tonné. Le sang n’avait pas
encore coulé. Les hommes d’État paraissaient pouvoir contrôler les événements.
Certains jouaient les matamores, d’autres se faisaient plus madrés. Certaines
postures cachaient mal l’incapacité des uns ou des autres à maîtriser les
choses. Rien cependant n’était encore irrémédiable.
    Des esprits lucides espéraient au fond d’eux-mêmes qu’il se
trouverait in extremis un sage pour ramener tout le monde à la raison. Cet
espoir devenait pourtant de jour en jour plus ténu. La machine infernale
s’emballait et menaçait

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