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1914 - Une guerre par accident

1914 - Une guerre par accident

Titel: 1914 - Une guerre par accident Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges Ayache
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de Nelson, le Kaiser était entouré de ses collaborateurs. Son aide de camp, le
général Hans von Plessen, deux conseillers politiques, le général Erich von Falkenhayn,
ministre de la Guerre, et le chef d’état-major, Helmuth von Moltke.
    Le moment était solennel. Il aurait pu avoir lieu deux jours
plus tôt. Mais les officiers supérieurs étaient divisés. On avait finalement
décidé de surseoir jusqu’au dernier moment. D’une écriture raide, l’empereur
apposa sa signature sur le document proclamant la « menace de danger de
guerre ». En regardant son aide de camp apposer avec précaution un buvard
sur l’encre de la signature, Guillaume avait conscience d’entériner un
processus de guerre. Un processus quasiment irréversible : le lendemain
s’ensuivrait mécaniquement la mobilisation générale de l’armée allemande.
    Helmuth von Moltke agit immédiatement comme il était
préparé à le faire. De retour à l’état-major, il lança sans coup férir la
procédure prévue de longue date. L’impératif était désormais de prendre la
Russie de vitesse en ne lui laissant pas le temps de se mobiliser. Tel
comportement ne pouvait en rien surprendre les gens avertis. Un an plus tôt,
dans une dépêche prémonitoire datée du 6 mai 1913, Jules Cambon en avait
exposé la philosophie : « Laisser de côté les lieux communs sur la
responsabilité de l’agresseur. La guerre étant devenue nécessaire, la faire en
mettant toutes les chances de son côté. Le succès seul la justifie [233] . »
    Les diplomates de la Wilhelmstrasse étaient eux aussi sur le
pied de guerre. Ils étaient déjà en train de rédiger un ultimatum à la Russie
la mettant en demeure d’interrompre ses préparatifs militaires dans les douze
heures. Un ultimatum qui semblait beaucoup moins l’ultime étape d’une
diplomatie défaillante que l’annonce d’hostilités à venir. Il serait expédié à
dix-sept heures précises. Bethmann-Hollweg avait insisté auprès de
Jagow :
    — Quoi qu’il arrive, la Russie doit par tous les moyens
être mise dans son tort.
    Au même moment, Guillaume réceptionnait un dernier
télégramme de Nicky à Saint-Pétersbourg sollicitant sa médiation. Sa réponse
avait été cinglante : « Mon rôle est terminé. Willy [234] . »
    Le général Falkenhayn noterait dans son Journal  :
« Son attitude et ses paroles sont dignes d’un empereur allemand !
Dignes d’un roi de Prusse [235] . »
    Bien sûr, le ministre de la Guerre ne pouvait savoir que,
depuis presque deux jours, l’impératrice Augusta-Victoria talonnait un
Guillaume plus qu’hésitant, lui enjoignant « d’être un homme »…
    Au soir du 31 juillet, alors qu’il dînait en compagnie
du prince Henri de Prusse, son frère, et du Kronprinz, Guillaume s’était laissé
aller à des considérations beaucoup moins martiales : « Mais que
veulent somme toute les Autrichiens ? Les Serbes ont presque tout accepté
sauf des broutilles. Ce serait pure folie d’en arriver à une guerre généralisée [236] … »
    Plus avant dans la soirée, alors que ses hôtes évoquaient
déjà cette guerre en préparation, il avait refroidi l’enthousiasme de la
tablée :
    — Je ne puis oublier que j’ai fait la promesse à feu
l’empereur Guillaume I er , mon aïeul bien-aimé, de préserver
l’amitié avec la Russie [237] .
    Peut-être restait-il encore un moyen ? Un ultime moyen.
    *
    À Vienne au moins, les états d’âme n’étaient plus de saison.
Le comte Berchtold touchait au but. Cela faisait à présent plus d’un mois qu’il
y travaillait d’arrache-pied. Bien sûr, il ne tenait plus qu’à coups de
somnifères, la nuit, et de remontants le jour. Mais il paraissait encore plein
d’allant.
    Ce n’était pas le cas de l’empereur François-Joseph qui
avait baissé les bras, comme résigné. Contrairement à ce qu’on pensait à la
Hofburg, l’Allemagne, elle, n’avait pas traîné des pieds. Deux jours plus tôt,
Moltke avait prodigué de nouveaux encouragements à Conrad von Hötzendorf.
Ce dernier avait montré à Berchtold le télégramme en provenance de
Berlin : « Mobilisez ! Si vous mobilisez, l’Allemagne
mobilisera ! »
    Agréablement surpris, le comte n’avait pu s’empêcher de
commenter :
    — Qui commande à Berlin ? Moltke ou Bethmann [238]  ?
    Les militaires autrichiens, eux, attendaient les ordres de
Berchtold et du Ballplatz. Ces ordres arrivèrent enfin le

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