1941-Le monde prend feu
« l’ami » préféré du Führer. Il lui faut donc, pour conserver
son rang, réaliser un coup d’éclat.
Il sait que le désir du Führer, plusieurs fois exprimé, est
d’éviter la guerre sur deux fronts – l’Ouest et l’Est –, cette
malédiction qui a provoqué la défaite de l’Allemagne en 1918.
Il a entendu le Führer faire l’éloge de l’Empire britannique,
et envisager de proposer à Londres la paix.
Hitler resterait maître de l’Europe continentale et l’Angleterre
aurait les mains libres dans son empire.
Mais Churchill s’est obstiné à refuser ce « marché ».
Hess a par ailleurs été l’élève du professeur Karl Haushofer
qui, adepte de la géopolitique, répétait que la destinée de la Grande-Bretagne
était de rejoindre la lutte mondiale contre le bolchevisme aux côtés de l’Allemagne.
Hess, qui ne connaît pas les détails du plan Barbarossa ,
n’ignore pas que Hitler a décidé d’attaquer la Russie.
Il lui faut donc agir vite.
Le principal idéologue du nazisme, Alfred Rosenberg, qu’il
rencontre à plusieurs reprises, le conforte dans l’idée que la guerre sur deux
fronts serait une catastrophe pour le Grand Reich, et d’autant plus que l’Angleterre
devrait avoir tout intérêt à conclure la paix.
Hess prend donc sa décision. Il forcera le destin. Il ira en
Angleterre.
Il est pilote et suit des cours de perfectionnement sur l’aérodrome
des usines Messerschmitt à Augsbourg.
Il fait préparer un Messerschmitt 110 – un bimoteur –
et se procure les cartes et les prévisions météorologiques nécessaires à sa
navigation vers Glasgow.
Il sait que le château du duc de Hamilton, qu’il a rencontré
aux jeux Olympiques tenus à Berlin en 1936, se trouve à proximité de Glasgow. Il
imagine que le duc lui servira d’intermédiaire et lui permettra ainsi de
rencontrer les membres du gouvernement britannique.
Le 10 mai 1941, à 5 h 45 du soir, Hess endosse
sa combinaison fourrée et décolle.
Après cinq heures de vol, arrivé dans les environs de
Glasgow, Hess saute en parachute et le Messerschmitt 110 va s’écraser en
flammes dans la campagne anglaise.
Le duc de Hamilton est prévenu qu’un certain Alfred Horn, pilote
allemand qu’on vient d’arrêter, demande à le rencontrer afin d’être conduit
auprès de responsables britanniques auxquels il doit transmettre une
information capitale.
Hamilton – qui a été membre avant la guerre de la
Société d’amitié anglo-allemande – est en 1941 lieutenant-colonel de la
Royal Air Force. Il n’a aucune influence politique.
Il identifie Hess qui sera interrogé par le diplomate Ivone
Kirkpatrick, qui a été en poste à l’ambassade de Grande-Bretagne à Berlin.
Hess affirme qu’il est porteur d’une « offre de paix »
qui reproduit les propositions faites par Hitler à Chamberlain, l’ancien
Premier Ministre, signataire des accords de Munich en septembre 1938. Et
repoussée avec dédain par les Britanniques.
D’ailleurs, le diplomate anglais se convainc rapidement du
rôle marginal joué par Hess dans l’appareil gouvernemental allemand.
« Hess ne semble pas être dans les secrets du
gouvernement en ce qui concerne les opérations », conclut Kirkpatrick.
La naïveté de Hess et son ignorance de la réalité politique
sont confondantes.
Il menace l’Angleterre d’un blocus total.
« Sa population se verra donc condamnée à mourir de
faim », répète-t-il.
Hess ne met jamais en doute la supériorité de l’Allemagne. Elle
est la puissance victorieuse. Elle propose la paix et l’Angleterre devrait se
précipiter pour accepter cette offre magnanime.
Kirkpatrick, diplomate chevronné, informé, est surpris par l’aveuglement
de l’adjoint du Führer.
« Comme nous quittions la pièce, relate Kirkpatrick, Hess
lança ce qui dans son esprit devait être un coup décisif. Il avait oublié de m’avertir
que l’Allemagne n’accepterait d’entamer les pourparlers qu’avec un nouveau
gouvernement. M. Churchill, coupable d’avoir poussé à la guerre depuis
1936, et ses collègues du Parlement étaient indignes de négocier avec le Führer. »
De ces négociations, on ne sait rien au Berghof.
Hitler passe de la rage à l’abattement.
Le Führer a d’abord espéré que Hess n’atteindrait jamais l’Angleterre.
« Si seulement il pouvait se noyer dans la mer du Nord,
s’est-il exclamé. Il aurait alors
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