1941-Le monde prend feu
disparu sans laisser de traces, et nous
aurions tout notre temps pour trouver une explication quelconque. »
Mais Hitler doit se rendre à l’évidence : Hess est en
Angleterre.
« Il est fou, hurle le Führer en vrillant son index sur
sa tempe. Hess est positivement fou. »
Hitler craint que ses alliés, les Italiens, les Japonais, ne
pensent qu’il veut conclure une paix séparée avec l’Angleterre.
À Goering, Goebbels, Ribbentrop, Himmler, Bormann, arrivés
au Berghof, il ne cherche même pas à masquer son désarroi.
Goebbels note dans son journal :
« Le Führer est complètement effondré ! Quel
spectacle pour le monde : un déséquilibré mental pour second derrière le
Führer. »
Hans Frank, le gouverneur général de Pologne, confie :
« Je n’ai jamais vu le Führer aussi profondément choqué. »
Speer se souvient d’une confidence de Hitler, à la fin de l’année
1940 :
« Quand je parle avec Goering, c’est pour moi comme un
bain d’acier, avait dit Hitler. Après, je me sens frais et dispos. Le Reichsmarschall
a une façon captivante de présenter les choses. Avec Hess, tout entretien
devient une épreuve insupportable. Il vous importune sans cesse avec des choses
désagréables. »
Le Führer choisit de s’en tenir à la thèse de la folie tout
en sachant que l’opinion n’est pas dupe, que les Berlinois murmurent « que
notre gouvernement est fou, nous le savons depuis longtemps, mais qu’il l’avoue,
ça, c’est nouveau ! ».
Il faut réagir, marteler la thèse officielle.
La presse, la radio, sur l’ordre de Goebbels, publient et
commentent le communiqué qui annonce que Hess a été subitement atteint de « désordres
mentaux », imputables à une ancienne blessure de guerre et entraînant « des
aberrations de caractère idéaliste » !
« Il apparaît que Rudolf Hess souffrait depuis quelque
temps de troubles hallucinatoires le portant à s’imaginer qu’il était appelé à
négocier un accord pacifique entre le Reich et le Royaume-Uni.
« Cet accident n’affecte en aucune façon la poursuite d’une
guerre imposée au peuple allemand par la Grande-Bretagne. »
Speer note que, parfois, en ces jours de mai et juin 1941, alors
que l’heure du déclenchement de Barbarossa approche, Hitler paraît tout
à coup absent, le visage parcouru de tics.
Il appelle alors Martin Bormann qui s’est emparé de tous les
pouvoirs et titres de Rudolf Hess.
Selon Albert Speer, Hitler révèle ainsi qu’il ne s’est
jamais remis de la « félonie » de son adjoint.
Il a donné l’ordre, au cas où Hess reviendrait, de le
fusiller ou de le pendre aussitôt.
Personne dans l’entourage du Führer n’ose prononcer le nom
de Hess. Et les événements se succèdent à un rythme si rapide que la tentative
folle de Rudolf Hess d’inverser le destin paraît déjà appartenir à un lointain
passé.
11.
L’ombre de Rudolf Hess hante encore le Berghof quand l’amiral
Darlan rencontre le Führer, les 11 et 12 mai 1941.
Le vice-président du Conseil des ministres du gouvernement
de Vichy est introduit dans le salon où Hitler l’attend.
Le Führer a le visage fermé et son attitude exprime dédain, hostilité.
Darlan, qui vient d’apprendre l’échappée anglaise de Hess, attribue
d’abord le comportement de Hitler à cet événement imprévisible et impensable. La
déception et la colère doivent submerger le Führer.
Mais dès les premiers mots de Hitler prononcés d’une voix
gutturale, méprisante, l’amiral Darlan mesure que le Führer veut imposer sa
volonté, sans rien négocier.
Il donne des ordres et le temps n’est plus aux précautions
de langage.
« Je n’ai en vue que la protection des intérêts
allemands, dit-il. La collaboration n’est pas une fin en soi. Si je n’ai pas
confiance dans la France, je garderai à titre définitif les régions qualifiées
aujourd’hui d’interdites… »
Darlan, figé, écoute Hitler égrener les territoires :
« Les ports de la Manche, le Nord, le Pas-de-Calais et,
en plus, toute une bande de terre à la frontière belge, une partie de la Meuse,
du département de Meurthe-et-Moselle, sans parler des trois départements
constituant l’Alsace-Lorraine. »
Et il faut l’entendre ajouter, la voix plus rugueuse encore :
« En outre, quoique l’Italie manifeste de prétentions
exagérées, je les satisferai. »
Silence.
Hitler
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