1943-Le souffle de la victoire
ruines.
Churchill ne se fait guère d’illusions sur les conséquences
militaires de ces « bombardements stratégiques », mais ils font patienter…
Staline attend toujours l’ouverture du second front en France. Et il faut
satisfaire Staline, puisque le front de l’Est est le tombeau de la Wehrmacht, qui
y déploie 185 divisions.
Alors Churchill appuie le maréchal « bomber »
Harris, placé à la tête du Bomber Command.
Churchill fait aussi accepter par Roosevelt le choix de la
Sicile comme objectif du prochain débarquement, à réaliser dès que les troupes
germano-italiennes auront été chassées de Tunisie. C’est un général américain, Eisenhower,
qui est placé à la tête des forces alliées, mais Churchill place autour de lui
des Britanniques.
Ces décisions majeures sont préparées par les « experts »
militaires, mais elles sont discutées, adoptées ou rejetées dans un tête-à-tête
des « deux empereurs ».
« Roosevelt et Churchill se réunissent d’ordinaire tard
dans la nuit », note le ministre anglais MacMillan qui, en résidence à
Alger, suit toutes les questions d’Afrique du Nord et donc les relations avec
de Gaulle.
« L’humeur du président Roosevelt est celle d’un
écolier en vacances, ce qui explique la manière presque frivole dont il aborde
certains des problèmes difficiles qu’il a à traiter », confie le diplomate
américain Robert Murphy, lui aussi en poste à Alger et acteur majeur de la
préparation du débarquement en Afrique du Nord, le 8 novembre 1942.
« Tout cela ressemble, confie MacMillan, à un mélange
de croisière, de séminaire et de camp de vacances, au milieu de ce décor
oriental incroyablement fascinant. La villa de Churchill ( Mirador) est
gardée par des Royal Marines, mais pour le reste, tout est assez simple. La
curieuse habitude de Churchill de passer la plus grande partie de la journée au
lit et de veiller toute la nuit éreinte quelque peu son entourage. […] Il mange
et boit énormément, à toute heure, règle d’énormes problèmes, joue constamment
à la bagatelle et à la bézigue, bref il s’amuse beaucoup. […] La villa de
Roosevelt (Dar es-Saada ) est difficile d’accès ; si vous l’approchez
de nuit, vous vous retrouvez aveuglé par des projecteurs, et une horde de ce
que l’on appelle des G-men – pour la plupart d’anciens gangsters de
Chicago – dégainent leurs revolvers et les braquent sur vous. […] Mais une
fois à l’intérieur, tout devient simple. Les deux favoris de la cour, Harriman
et Hopkins, se tiennent à la disposition de l’empereur, de même que ses deux
fils, qui servent d’assistants et […] presque d’infirmiers à ce personnage hors
du commun. On joue beaucoup à la bézigue, on boit d’énormes quantités de
cocktails, les entretiens se succèdent sans discontinuer, et tout cela dans une
ambiance bon enfant tout à fait remarquable. »
En fait, Roosevelt règne, impose ses choix politiques, quitte
à laisser les militaires britanniques convaincre les généraux américains que
les solutions « anglaises » sont les meilleures. Churchill accepte
cette domination américaine et cependant il sait bien que le général Giraud n’a
pas la dimension d’un homme d’État et que de Gaulle ne peut se soumettre.
Le refus de De Gaulle ne le surprend donc pas, mais le
blesse d’autant qu’il a mauvaise conscience face à l’homme du 18 Juin, dont
il comprend l’intransigeance et admire la ténacité, le patriotisme.
Aussi la rage saisit Churchill.
« Si vous m’obstaclerez, je vous liquiderai », lance-t-il.
De Gaulle répond, sachant qu’il va atteindre Churchill au
cœur, dans son orgueil et son intelligence :
« Pour satisfaire à tout prix l’Amérique, vous épousez
une cause inacceptable pour la France, inquiétante pour l’Europe, regrettable
pour l’Angleterre. »
Churchill s’indigne mais il est décidé à suivre Roosevelt en
toutes circonstances.
Quand le président des États-Unis déclare qu’« il n’y a
pas de compromis entre le Bien et le Mal », Churchill partage cette vision
morale et religieuse.
Mais autour de lui, certains conseillers regrettent qu’on n’envisage
ainsi pour le Reich et le Japon qu’une reddition inconditionnelle.
Churchill s’y rallie pourtant quand, le 24 janvier 1943,
lors d’une conférence de presse, Roosevelt, sans l’en avoir averti, déclare :
« Le Président et le
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