1943-Le souffle de la victoire
Russes.
Ils les ont subis quand, en 1939, les Soviétiques ont occupé
201 000 km 2 de territoire polonais peuplé de 13 millions
de personnes. Et cela en vertu des protocoles secrets du pacte
germano-soviétique de non-agression d’août 1939.
Ils ont vu les Russes arrêter, torturer, déporter tous ceux
qui incarnaient le patriotisme polonais.
Les Juifs polonais ont d’abord salué cette occupation russe
qui les protégeait de l’antisémitisme.
Puis ils ont découvert la réalité du régime soviétique. Parmi
les déportés polonais envoyés au goulag, un sur trois est juif. Et 100 000
d’entre eux disparaissent dans ces transferts. Mais rien n’y fait. L’engouement
initial des Juifs pour les Russes, les Polonais ne l’ont pas oublié.
Les 4 443 officiers polonais enfouis dans les
fosses de la forêt de Katyn, personne ne doute qu’ils n’aient été abattus par
le NKVD. Et cette police politique russe a protégé les Juifs, un temps, en 1939.
Lorsque, en avril 1943, le général Sikorski, chef du
gouvernement polonais en exil à Londres, entre dans le bureau de Churchill au
10, Downing Street, il évoque la responsabilité des Russes dans le massacre de
Katyn.
« Ils ont voulu assassiner l’élite polonaise, dit-il. Il
faut exiger de Staline la vérité. »
Churchill, massif, immobile, le visage enveloppé par la fumée
de son cigare, laisse longuement parler Sikorski, qui analyse les intentions
soviétiques. Ils veulent annexer les territoires de l’Est polonais. La cruauté
de cette exécution de masse est équivalente à celle des Allemands.
Le doute sur le crime des Russes n’est pas permis.
« S’ils sont morts, rien ne pourra les faire revenir »,
dit Churchill.
Il se lève, poursuit tout en mâchonnant son cigare :
« Nous devons vaincre Hitler, et ce n’est pas le moment
de provoquer des querelles ou de lancer des accusations. »
Le général Sikorski rappelle que, depuis 1941, il se
préoccupe du sort de ces officiers. Et les Russes n’ont jamais donné de réponse
précise.
On comprend pourquoi. Il faudrait que la Croix-Rouge
internationale ouvre une enquête.
Churchill secoue la tête. Jamais Staline n’acceptera. Et le
Premier ministre anglais répète :
« Il faut vaincre Hitler. »
Mais il est déjà trop tard pour éviter les « querelles ».
Les Russes accusent Goebbels et son « gang de menteurs »,
ces « assassins professionnels qui ont fait une boucherie de centaines de
milliers de Polonais en Pologne ne tromperont personne ».
La Pravda accuse les Polonais d’avoir mordu à l’hameçon
allemand.
La requête adressée à la Croix-Rouge internationale par le
ministère polonais de la Défense « témoigne d’un désir d’apporter un appui
direct aux falsificateurs et aux provocateurs hitlériens ».
« Les Allemands occupant la Pologne se sont mis d’accord
avec l’entourage du gouvernement Sikorski. »
Et le 27 avril 1943, les Russes suspendent leurs
relations diplomatiques avec le gouvernement polonais de Londres.
Churchill n’est pas dupe des accusations soviétiques. Staline
veut faire de la Pologne sa chasse gardée. Il prépare en ce printemps de 1943 l’après-victoire.
Il va créer un gouvernement polonais en exil à Moscou, le doter d’une armée
polonaise combattant aux côtés des Russes. Ce sera la division Kosciuszko, comme
il y a une escadrille française en Russie, l’escadrille Normandie-Niemen, ou
une division tchécoslovaque, et un Comité pour l’Allemagne Libre.
Les intentions de Staline sont claires. Créer en Europe à la
fin de la guerre une zone d’influence soviétique.
Et il faut pour cela « liquider » les officiers, les
policiers, les agents des douanes polonais.
Les serviteurs de l’État polonais formaient un groupe de 15 000 personnes,
partie importante de l’armature de la société polonaise.
Quatre mille quatre cent quarante-trois sont dans les fosses
de la forêt de Katyn.
Et les autres, où sont-ils ? Morts à l’évidence, mais
tués où ?
Sur 15 000, 450 environ, les communistes et ceux jugés
aptes à se convertir, ont été épargnés.
Mais ceux qui sont morts, Churchill le répète : « Rien
ne pourra les faire revenir. »
17.
Au cynisme et au réalisme glacé de Churchill répondent l’hypocrisie
et l’impudence de Staline.
Le Premier ministre britannique détourne la tête pour ne pas
voir les fosses de la
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