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22 novembre 1963

22 novembre 1963

Titel: 22 novembre 1963 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Adam Braver
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veux jurer de ne plus l’aimer.
    » Hélas, je suis déjà tourmentée par la jalousie, et il ne sait même pas si je l’aime. Mais co mm ent puis-je éprouver son amour si je ne puis savoir s’il m’est fidèle ? Si je l’ai accepté pour me servir, bien qu’il n’ait ni le rang ni la renommée qui justifient mon choix, il y va de mon honneur de m’assurer du moins qu’il me porte un amour pur. »
    Et Marie fit une chose dont elle eût rougi autrefois : elle demanda à sa servante Isabelle de faire partir son frère pour le pays de Linnières pour y rester quelque temps et prendre des renseignements sur les fréquentations du fils d’Herbert. « Ce n’est que de bonne guerre, se dit-elle. Une femme n’est-elle pas sans défense contre l’homme qui voudrait la tromper ? » Et elle fit parvenir à son amant une lettre le soir même, où elle lui demandait de ne pas aller vivre au château de sa femme.
    Haguenier vint donc s’installer provisoirement chez sa grand-mère à Bernon, car Herbert refusait de le loger.
L’ÉTANG NOIR
    Assis dans l’herbe haute d’une clairière de la forêt, Haguenier regardait le petit Joceran et Églantine rivaliser d’adresse en maniant de grands bâtons plats arrangés en façon d’épées. « Mon oncle, disait-il, ce coup n’est pas régulier. Ma tante, vous frappez du plat de l’épée. Mon oncle, si vous ne parez pas mieux que cela, je vais vous mettre à l’amende. » Les deux jeunes gens serraient leurs lèvres et fronçaient les sourcils, comme si cela les aidait à mieux se battre. Haguenier se levait en riant et prenait l’épée de Joceran pour lui montrer comment il fallait la manier. « C’est pourtant simple, disait-il, ça va tout seul. Mais il ne faut pas vous imaginer que vous tenez une fourche à foin. » Églantine, plus agile que son demi-frère, parait assez bien ; rouge, décoiffée, sa jupe retroussée plus haut que les genoux, elle avait tout à fait l’air d’un garçon. « C’est une sorcière, c’est pourquoi elle fait mieux que moi », disait Joceran, et Églantine lui tirait la langue, comme au bon temps où ils étaient petits.
    « Bah ! Je ne suis pas sorcier et je fais mieux que vous deux. Allez ! du repos, maintenant, et Joceran va nous chercher de l’eau à la fontaine. Ce sera son amende. » Haguenier tira de sa poche une miche de pain et un couteau, et passa la main sur ses cheveux mouillés de sueur.
    « C’est elle qui devrait chercher de l’eau, elle est plus jeune que moi, dit Joceran, maussade. — Mon oncle, si vous discutez mes ordres, je ne vous prends pas pour écuyer. » Sur cette menace Joceran bondit et disparut derrière les arbres. Haguenier le suivait des yeux avec un sourire amusé. Ces deux-là étaient en fait son oncle et sa tante, mais ils étaient de trois ans environ plus jeunes que lui, et il se sentait leur ancêtre.
    Comme il était, après Herbert, le chef de la lignée, il estimait de son devoir de s’occuper de ses jeunes parents. Joceran était un garçon maussade, pâle – dans tous les sens du mot ; tout en lui était pâle et comme effacé, le teint, les traits, les manières ; il avait toujours été négligé par tout le monde, même par sa mère, partout et toujours on l’oubliait, et cela le rendait étrangement insignifiant. Églantine, au contraire, ne se faisait que trop remarquer, et c’était là son malheur. Et Haguenier était heureux de réussir à faire rire aux éclats ces deux taciturnes.
    Il avait promis à Joceran de faire de lui son écuyer, et lui apprenait le maniement des armes et le maintien militaire ; le jeune homme en était tout changé et semblait revivre. Et Églantine aussi, chose étrange, prenait un goût très vif aux exercices militaires auxquels on l’avait associée par jeu.
    « Eh bien, ma tante, dit Haguenier en mettant la main sur l’épaule de la jeune fille, vous auriez pu faire un excellent écuyer. Elle le regarda droit dans les yeux, et il fut surpris par la gravité de ce regard.
    — Voudriez-vous m’emmener à Troyes comme votre écuyer, moi aussi ? demanda-t-elle.
    — Hé, là ! et que dirait ma grand-mère, et toute la famille ? Ce n’est pas un métier de demoiselle.
    — Est-ce que je suis une demoiselle, moi ? » dit Églantine avec amertume. Les yeux fixés dans le vide, elle poursuivait son idée. « On dit qu’il y a eu des femmes qui se sont fait couper les seins et qui ont pris l’habit

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