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22 novembre 1963

22 novembre 1963

Titel: 22 novembre 1963 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Adam Braver
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bien avoir à lui dire. Mais il était sûr, Dieu sait pourquoi, qu’elle ne viendrait pas, qu’elle avait simplement voulu se moquer de lui. Et il pensait à ses camarades, qui devaient déjà être loin. « Ô fausse amie, pensait-il, je ne vous aimerai pas moins pour cela, mais Dieu le sait, je vous rappellerai cela un jour, et vous ne serez pas fière d’avoir ri ainsi de moi. Ô douce et fine – et par où ne passerait-on pas pour avoir la joie de son corps ? » Et il la revoyait à côté de lui sur le banc, toute tiède, toute rose, sentant le lait d’amandes et le jasmin.
    Il attendit toute la nuit, et finit par s’endormir sur son banc. Et quand le ciel commença à blanchir, une petite demoiselle s’approcha du banc et réveilla le dormeur, « Ma dame n’a pas pu venir, dit-elle, mais elle vous demande d’être là la nuit prochaine. »
    Haguenier repartit par le verger, escalada le mur, remonta sur son cheval, grelottant de froid, et furieux, pour cette fois, contre la dame. Il n’avait pas pu dire non ; mais elle le retardait déjà de deux jours ; et ses camarades devaient croire Dieu sait quoi. Pierre serait au fond content de le faire passer pour un lâche et de se mettre à la tête de ses hommes – un bon garçon, ce Pierre, mais vraiment trop intéressé. Il se moquait bien de Pierre, c’est au baron de Chantemerle qu’il pensait surtout. Il n’eut d’autre ressource que de passer la Seine à la nage et de demander l’hospitalité de sa sœur.
    « Au nom de Dieu, sœurette, que surtout ni votre mari ni personne ne sachent que je suis ici, cela pourrait faire du tort à ma dame, dites à vos femmes de ne pas en parler. » Aielot lui apporta une chemise et des braies, et il fit sécher ses vêtements au soleil sur l’herbe du bosquet. Et là il passa la journée la plus ennuyeuse de sa vie à regarder les oiseaux sauter sur les branches et le soleil monter dans le ciel, puis descendre sur la grande voûte bleue, avec une lenteur exaspérante, les ombres des buissons s’allongeaient peu à peu et tournaient du nord à l’est, l’herbe, de verte, devenait jaunâtre, les grillons crissaient toujours dans le pré, de la cour et du château de Pouilli partaient bruits de voix, de rires, de cris, hennissements de chevaux, cliquetis de vaisselles, Haguenier pensait : « Ils doivent bien s’amuser, là-bas – et moi ! Et me voilà sûr de passer encore une nuit blanche pour rien. » N’importe, il était pris au jeu. Au soir, il repassa la Seine, en barque cette fois, et revint au grand chêne, furieux, mais bien décidé à revenir au rendez-vous dix nuits de suite si la dame le demandait.
    La nuit était belle et douce. Après matines il se retrouva sur la margelle du puits, écoutant chanter les grillons dans les prés. Le silence dans le jardin était tel qu’il n’osait remuer des pieds de peur de faire crisser le sable. L’ombre du château couvrait le jardin, puis la lune sortit de derrière la tour. « Elle n’osera pas venir, pensait le jeune homme, il fait trop clair. »
    Mais pour cette fois-ci elle vint, toute blanche dans sa robe claire sous la lune bleue, et ses grands cheveux noués par un voile foncé. Et Haguenier en fut si surpris qu’il sentit son cœur lui faillir. Marie s’assit à côté de lui sur le bord du puits, et parla longuement, les mains jointes sur ses genoux. Elle parlait du respect dû aux dames qui ont le cœur noble, et de la pureté de l’amour vrai. Elle disait qu’elle n’accepterait jamais pour ami qu’un homme qui l’aimerait en toute pureté et sans péché, et qu’elle avait déjà repoussé tous les hommes qui l’avaient aimée, parce qu’elle voyait que leur amour était simplement convoitise des sens. Pour lui, elle ne le connaissait pas encore, mais il était jeune et n’avait pas encore de dame ; elle voulait bien l’aider à faire son éducation amoureuse, si toutefois elle l’en jugeait digne. « Si vous vous faites une bonne renommée dans cette campagne, je vous accepterai peut-être à mon service.
    — Dame, dit Haguenier, je ne suis pas de ceux qui se vantent avant le coup. Mais si je me bats bien, vous le saurez. »
    Elle le regardait bien en face et ses yeux étaient comme deux trous sombres sur son fin visage blanc. Haguenier sentait la terre tourner sous lui ; il prit dans ses deux mains la petite tête blonde et se mit à couvrir de baisers les lèvres, les joues, le menton de la dame.

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