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22 novembre 1963

22 novembre 1963

Titel: 22 novembre 1963 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Adam Braver
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patience que vous de dureté, et je vous aurai ; et vous verrez que moi, je ne serai jamais dur pour vous. »
    Il se fit mener près de la dame, étonnée, et même un peu confuse, de le voir arrivé si vite. Elle se justifia aisément : elle ne songeait pas à le détourner de ses devoirs envers Dieu, au contraire, elle l’avait fait appeler pour lui remettre une relique précieuse qui l’aiderait dans le combat. Il est vrai qu’ils s’étaient vus plusieurs fois depuis Pâques, mais c’était toujours en présence du sire de Mongenost ; à présent, son mari était à Troyes et elle se sentait plus libre. « Car, dit-elle, ami, il n’y a pas de mal entre nous, et il n’y en aura jamais, et c’est pour cela que je ne veux pas donner de soupçons à des gens qui ont l’esprit mauvais. Je me suis prise d’amitié pour vous, par égard pour votre sœur, et je veux vous confier cette petite croix de fer, qui me vient de mon père décédé en Terre sainte : à qui puis-je mieux la confier qu’à un homme qui va se battre pour la première fois, et se battre pour Dieu ? »
    Elle enleva de son cou la petite croix pendue à un cordon de soie, mais la croix s’accrocha à d’autres chaînettes et rubans qu’elle portait, et le cordon s’embrouilla dans la coiffure, dont un des bandeaux se défit et roula sur l’épaule. Haguenier, tendu et impassible, s’efforçait d’éteindre son regard, de ne pas voir – ô perdition que cette chevelure ensoleillée, cette joue rose, ces yeux tremblants comme la mer.
    « Eh bien, dit Marie, vous n’êtes guère aimable, bel ami, un autre eût offert de m’aider à détacher cette croix, je m’embrouille dans tous ces nœuds. »
    Il s’assit à côté d’elle, avec ce splendide sourire bon enfant qu’il avait malgré lui quand il croyait plaire à une femme, il se mit à détacher la croix, à débrouiller chaînettes et médailles, évitant surtout d’effleurer le visage ou le cou de la dame : il en mourait d’envie, pourtant, mais tel était le jeu, le moindre mouvement trop hardi pouvait le perdre. Il savait par expérience ce qu’il en coûte de prendre pour argent comptant ces coquetteries de dames fières.
    Quand il eut bien remis en ordre chaînettes et médailles, Marie lui passa au cou la petite croix et lui donna un baiser sur la joue. « Dieu vous garde, dit-elle, je m’en voudrais de vous retenir plus longtemps. »
    Les demoiselles, assises aux pieds de la dame, et sur le bord du puits, bavardaient et riaient entre elles, et la dame battit des mains et leur dit : « Allons ! mes amies, chantez donc une jolie chanson pour distraire le chevalier, je m’en voudrais de le recevoir si mal. Gillette, allez faire préparer du vin et des fruits et quelque chose à lui donner pour la route. »
    Les jeunes filles s’étaient mises à chanter en chœur.
    « Bel ami, dit Marie à mi-voix, il est des choses que j’aurais voulu vous dire sans que mes demoiselles l’entendent. Vous connaissez le chemin du verger jusqu’ici ; et au verger on peut entrer par le pré, en grimpant sur le chêne qui est au mur du levant au bas de la colline. Si je peux, je descendrai ici cette nuit après matines. »
    Haguenier quitta le château après avoir pris congé de la dame, et se mit à contourner le mur du levant à la recherche du chêne. Le jour baissait. Il fallait se dissimuler dans les taillis pour échapper à l’œil du guetteur ; et la pluie commençait à tomber.
    Les cloches du couvent Saint-Nicolas sonnèrent matines ; l’air était frais après la pluie, et dans le ciel un mince croissant de lune roulait vite, vite, entre de petits nuages qui se dispersaient en flocons dans le ciel noir. Ils couraient et se poursuivaient entre les épaisses dentelles noires des cerisiers au feuillage mouillé. L’herbe du verger, le lierre du puits étaient pleins d’eau, et de petits ruisseaux coulaient encore sur le fin gravier du jardinet. Et la lavande et les giroflées exhalaient après la pluie un parfum aigu et triste. La chouette ululait dans le bois.
    Haguenier s’assit sur le banc de pierre et se mit à frotter et à secouer ses vêtements trempés, à tordre ses cheveux ruisselants ; l’averse avait été si forte que ni arbre ni mur n’avaient pu le protéger. Le château se dressait tout noir au-dessus du jardin ; pas une lumière. On n’entendait que le pas du guetteur sur la tour. Haguenier se demandait ce que la dame pouvait

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