4 000 ans de mystifications historiques
défaite. Elle fut célébrée par Winston Churchill dans sa phrase célèbre, en partie inspirée par Henri V de Shakespeare : « Jamais autant de gens n’ont été redevables d’autant à si peu d’hommes. »
La Bataille d’Angleterre devint rapidement un mythe, soigneusement entretenu par la propagande alliée et, comme personne n’en savait rien, sauf les pilotes, un certain scepticisme commença rapidement à poindre. En 1942, l’écrivain français Georges Bernanos écrivait dans sa Lettre aux Anglais , que c’était « un conte de fées » auquel les adultes ne pouvaient croire. C’était une version moderne de l’histoire du petit tailleur, qui « en avait abattu sept d’un coup » (en fait, des mouches). Les divers gouvernements anglais qui se succédèrent après la fin de la guerre ne fournirent guère d’explications complètes.
Ce scepticisme s’accrut avec les années, et si le mythe demeura, il se fana. On fit les comptes : après les pertes désastreuses subies en France, la RAF ne disposait que de sept cents appareils Hurricane et Spitfire, la Luftwaffe avait deux mille six cents Messerschmitt 110 et Heinkel. Les chiffres ne correspondaient pas. En ce qui concernait le bilan de la bataille du 15 septembre, fallait-il croire que les pilotes de la RAF auraient été invincibles ? Et qu’en fin de compte la RAF aurait abattu dix-huit fois plus d’avions qu’elle n’en avait perdus ?
Les chiffres avaient été fortement exagérés par les Anglais. Mais l’intox avait considérablement relevé le moral de la nation.
La vérité fut lente à reconstituer. Elle tient en quatre grands points.
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D’abord, les services secrets britanniques avaient, grâce à la machine Enigma, réussi à percer le code secret des Allemands (77) . Les ordres de Goering étaient à peine lancés que les Anglais en étaient informés. Les chasseurs de la RAF décollaient aussitôt à l’attaque.
Ensuite, les radars anglais étaient plus performants que ceux des Allemands, qui ne s’en doutaient pas. En 1935, la Grande-Bretagne et l’Allemagne étaient pratiquement à égalité dans ce domaine. Le radar allemand Freya de 125 Mhz donnait des résultats prometteurs, confirmés par le modèle de 560 Mhz construit par Telefunken et la Luftwaffe à Würzbourg, sous la direction – passablement incohérente – de Goering. En 1940, Hitler avait fait suspendre toute recherche en électronique, « science juive », et en physique nucléaire. Entre-temps, les Anglais et les Américains avaient mis au point un radar à ondes courtes à haute résolution, à longue portée, qui leur permettait de détecter tout mouvement dans leur espace aérien, bien au-delà de la distance que les Allemands avaient supposée.
Les Allemands ne s’en aperçurent qu’en 1943, quand ils abattirent un avion anglais qui transportait l’un de ces radars. Ils rappelèrent les quelque six mille techniciens censés servir sous les drapeaux pour relancer la recherche en électronique ; il en manquait environ deux mille et, de toute façon, il était trop tard.
Troisième point, en dépit de leur réputation dans le domaine de l’organisation, les maîtres du III e Reich ne pouvaient le disputer aux Anglais : des hommes tels que sir Hugh Dowding et sir Keith Park avaient organisé la défense des côtes anglaises du Sud avec une efficacité imparable ; seuls les V-l et V-2 purent franchir le barrage de surveillance contre lequel la Luftwaffe s’était révélée impuissante.
Les chiffres avancés par les Anglais étaient, en effet, exagérés, mais ils ne l’avaient pas été par mauvaise foi. Chaque fois qu’un pilote de la RAF touchait un appareil allemand et qu’il voyait un sillage de fumée s’en échapper, il en déduisait que l’appareil était perdu. Or, plus d’un Messerschmitt ou d’un Heinkel endommagé parvenait quand même à regagner sa base, s’y faisait réparer et repartait plus tard pour une nouvelle mission. Par ailleurs, il advenait que deux ou trois pilotes de la RAF touchaient le même appareil et personne ne savait qui lui avait porté le coup fatal. Mais chacun signalait qu’il avait frappé l’ennemi et, pour trois pilotes qui avaient touché le même avion, on comptabilisait trois avions tombés, alors qu’il n’y en avait qu’un. La même inexactitude régnait d’ailleurs du côté allemand.
Quand le bilan du 15 septembre fut établi après la guerre, il apparut que la
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