4 000 ans de mystifications historiques
accusations qui se perpétuent au cours des années.
1940
L’introuvable « Appel du 10 juillet 1940 »
Même si tous leurs parents ne l’entendirent pas, parce qu’ils n’écoutaient pas tous la BBC et qu’ils n’avaient d’ailleurs pas tous de TSF, tous les Français connaissent l’Appel du 18 juin 1940, lancé depuis Londres par le général de Gaulle, incitant les Français à la résistance. Aussi quelques-uns, notamment dans la ville de Montreuil, furent-ils surpris, le 10 juillet 1990, par l’annonce de l’érection d’une stèle à l’effigie de Jacques Duclos, sur la place Jacques-Duclos, en commémoration de l’appel au peuple de France lancé le 10 juillet 1940 par le même Duclos et le camarade Maurice Thorez.
Pour ceux qui n’en auraient été pas été informés, L’Humanité de ce jour-là en publia le texte :
La France, encore toute sanglante, veut vivre libre et indépendante. Jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d’esclaves. La France ne deviendra pas une sorte de pays colonisé. La France, au passé si glorieux, ne s’agenouillera pas devant une équipe de valets prêts à toutes les besognes. Ce ne sont pas les généraux battus, ni les affairistes, ni les politiciens tarés qui peuvent relever la France. C’est dans le peuple que résident les grands espoirs de libération nationale et sociale. Et c’est autour de la classe ouvrière ardente et généreuse, pleine de confiance et de courage, que peut se constituer le front de la liberté, de l’indépendance et de la renaissance de la France.
L’organe du PCF précisait que l’appel avait été décidé le 5 juillet 1940. Lors de l’inauguration de la stèle, Gaston Plissonnier (1913-1995), membre du bureau politique et secrétaire du Comité central du PCF, rectifia l’information de L’Humanité : l’appel avait été décidé le 1 er juillet 1940.
Là se posent plusieurs questions. La première est de savoir comment Thorez a pu signer cet appel, puisqu’il s’était enfui à Moscou le 4 octobre 1939, après avoir reçu son ordre de mobilisation, et qu’il y était encore. Ce n’était certainement pas non plus par téléphone de Paris à Moscou qu’il aurait pris connaissance de l’appel et l’aurait approuvé.
Deuxième question : à quoi exhorte-t-on donc sans cet appel ? À la résistance ? Certes pas : le PCF était fidèle à la politique du Grand Parti frère, le PCUS, qui liait l’URSS au III e Reich par le pacte de Moscou Molotov-Ribbentrop, et ce pacte ne devait être rompu que par l’attaque inopinée du III e Reich contre l’URSS, le 21 juin 1941, près d’un an plus tard. D’ailleurs, les Allemands ne sont pas mentionnés dans l’appel.
Troisième question : qui sont donc les « politiciens tarés » qui seraient incapables de relever la France ? Ceux du gouvernement de Vichy ? Certes non : Pétain n’est devenu chef de l’État que le 10 juillet 1940 et n’a constitué son cabinet que trois jours plus tard. C’était la première date présumée de l’appel, mais la précision de Plissonnier, qui avance celui-ci au 1 er juillet, exclut donc l’hypothèse d’une résistance au gouvernement de Vichy.
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Pourtant la brochure éditée par la mairie de Montreuil à cette occasion ne laisse aucun doute sur le but de l’appel : cela aurait bien été la résistance aux Allemands. Bizarre. Dans le numéro de L’Humanité du 4 juillet 1940, en effet, on pouvait lire ceci :
Il est particulièrement réconfortant, en ces temps de malheur, de voir de nombreux travailleurs parisiens s’entretenir amicalement avec des soldats allemands, soit dans la rue soit au bistrot du coin. Bravo, camarades, continuez, même si cela ne plaît pas à certains bourgeois aussi stupides que malfaisants.
Voilà qui correspondait bien plus à la « franche camaraderie » prônée par le pacte soviéto-germanique. Le numéro du 24 juillet suivant enfonçait le clou :
[…] Devant la carence et le mauvais vouloir des capitalistes, les ouvriers ont le devoir d’agir, de procéder à l’ouverture des usines et de les faire fonctionner.
Nous sommes loin d’un appel à la résistance.
Et le numéro du 10 juillet ? Il est absent des collections : l’édition du 7 juillet porte le n° 60 et celle du 13 juillet, le n° 61. A l’époque, L’Humanité était clandestine, pour la bonne raison que, depuis le 25 août 1939, ce titre et les cent cinquante-sept autres
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