4 000 ans de mystifications historiques
Tout de suite après les interrogatoires, le père s’envola pour son pays d’origine, laissant sa famille derrière lui.
Seuls les imbéciles tirent des conclusions, affirmait Flaubert. Mais il se peut que parfois l’adage soit inadapté. Certaines mystifications sont tellement « hénaurmes », eût encore dit Flaubert, qu’elles atteignent le stade du fabuleux.
2003
La guerre d’Irak,
produit d’une triple mystification
Les turbulences internationales causées par la guerre d’Irak, qui se poursuivent à l’heure où nous écrivons ces lignes, ont rapidement occulté le fait qu’elle résulta d’une double mystification.
La première fut le fait de Saddam Hussein. Depuis son accession au pouvoir, les services de renseignements occidentaux avaient négligé l’Irak, et la plupart de leurs gouvernements ne commencèrent à s’y intéresser que lorsque, par l’opération Babylone, le 7 juin 1981, Israël détruisit le réacteur nucléaire Osirak, qui aurait donné à ce pays la possibilité de fabriquer une bombe atomique. Sept ans plus tard, Saddam Hussein utilisait des armes chimiques pour écraser la rébellion kurde et faisait sept mille morts kurdes. Le tyran était décidément turbulent et imaginatif, car deux ans plus tard on découvrait en Grande-Bretagne les pièces d’un canon de 52,50 mètres de longueur, destiné à l’Irak et dont les obus auraient peut-être pu atteindre Israël. Ce lointain descendant de la Grosse Bertha, qui terrifia Paris durant la guerre de 1870, ne parvint évidemment jamais à destination.
Mais, même si les services de renseignements intensifièrent leurs efforts pour savoir ce que fomentait le tyran, ils éprouvaient des difficultés à pénétrer un pays dont peu d’agents parlaient la langue. Malgré sa défaite dans la guerre du Golfe, en 1990, causée par son invasion du Koweït, Saddam Hussein ne s’accommoda pas des visites des inspecteurs de l’Unmovic de l’ONU, chargés de vérifier qu’il n’entretenait pas et ne préparait pas de programmes d’armes de destruction massive (ADM, en anglais WMD). En 1998, il les expulsa. Cette attitude entretint les soupçons de la communauté internationale, notamment ceux qui portaient sur un programme irakien d’armes biologiques. L’ONU déclara l’Irak en violation permanente de désarmement. Ni la déclaration d’armement de l’Irak, soumise au Conseil de sécurité de l’ONU fin 2002, ni les dénégations irakiennes savamment formulées à propos des ADM ne convainquirent personne, au contraire.
Il apparut plus tard que Saddam Hussein bluffait astucieusement, pour faire croire qu’il possédait en fait des ADM, et particulièrement des armes biologiques, afin d’inspirer la terreur aux pays du Golfe et aux Occidentaux. Cette mystification lui fut fatale, car elle déclencha l’offensive des États-Unis et de ses alliés en 2003.
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La seconde mystification fut le fait du gouvernement des États-Unis, qui ne disposait d’aucune preuve réelle de la détention d’ADM par Saddam Hussein. Les quatre cent soixante visites des cent quatorze inspecteurs chargés de contrôler les programmes d’armement irakien n’avaient abouti à aucune découverte déterminante. Mais, plongés par les attentats du 11 septembre 2001 dans une véritable psychose de guerre terroriste, les gouvernants américains brûlaient de réparer leur humiliation en démontrant leur force à la face du monde. Le 5 février 2003, lors d’une séance devenue historique dans les annales du délire, le général Colin Powell présentait au Conseil de sécurité de l’ONU la fameuse ampoule censée contenir des germes d’anthrax et censée prouver que l’Irak poursuivait un programme de guerre bactériologique. Ce qui donnait aux États-Unis le droit d’invoquer la résolution 1368 de la charte de l’ONU, qui confère aux pays le droit de recourir à la force pour leur légitime défense.
Powell ne précisait cependant pas comment cette ampoule était sortie d’Irak et était arrivée dans ses mains. Rien ne certifiait non plus qu’elle contînt réellement des germes d’anthrax. Le général se contenta d’affirmer que les Américains disposaient d’un « témoin oculaire ».
En fait, les États-Unis étaient victimes d’une troisième mystification.
En 1999, la CIA avait été prévenue par les services secrets allemands, la BND ( Bundesnacbrichtendienst ), de la présence d’un réfugié irakien qui leur
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