A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ?
paraît-il, à la Californie. Je ne connais pas la Californie.
Avant de redécoller pour Paris, via Bangui, nous avons fait un saut à Franschhoek (le coin des Français). C'est là, entre 1688 et 1690, sur cette petite bande de terre au fin fond du fin fond de l'Afrique que sont arrivés, après une halte en Hollande, quelque deux cent cinquante huguenots chassés de France par la révocation de l'édit de Nantes en 1685. Beaucoup sont restés en Hollande, une poignée a tenté ce long voyage vers l'Afrique avec la Compagnie des Indes orientales. Ils sont environ 300 000 Afrikaners aujourd'hui à revendiquer des racines françaises.
Nous survolons en hélicoptère la pointe du cap et l'appareil nous dépose sur une pelouse
pour le pèlerinage classique. Là un comité d'accueil nous attend, présidé par le ministre De Villiers, descendant des huguenots, et un groupe d'enfants francophones. Il fait chaud, très chaud. Première halte au pied du monument élevé à la mémoire des protestants français, une statue de femme qui tient dans la main un globe et des chaînes brisées. Puis nous marchons vers le musée, qui retrace l'épopée huguenote. Nous nous asseyons sur un banc. Un grand parasol nous fait de l'ombre. En face, dans l'assistance, les enfants ont mis leurs robes blanches et leurs habits du dimanche. Quelques-uns courent s'abriter du soleil, à l'ombre d'un arbre. Alain fait une petite allocution en français, traduite en anglais. Le français apporté par les huguenots n'a pas résisté et s'est fait absorber par l'afrikaans. Dans son discours, Alain fait référence aux ancêtres de ces hommes et femmes qui l'écoutent, pour prôner « l'adaptation, sans nostalgie inutile, au changement ».
Après les allocutions, nous pénétrons dans le musée où sont gravés des noms qui sonnent bien français : Celliers, Malherbe, Du Plessis, Marais, Montoit... Puis nous allons boire un verre et grignoter quelques petits fours sous
les arbres à l'ombre. Une Française me confie qu'elle a peur de ce qui va se passer. Comment, elle aussi, ne pas la comprendre? C'était leur terre promise.
Effectivement, comme l'a dit si bien Johnny Clegg, rien n'est simple. Là sans doute encore moins qu'ailleurs. Trois mois avant de venir, je ne connaissais quasiment rien de l'Afrique du Sud. En trois jours, j'ai, je crois, appris beaucoup. J'ai rencontré des gens qui ont souffert, qui se sont battus, d'autres qui ont sacrifié des années de leur vie, Blancs ou Noirs, et d'autres qui, parce qu'ils sont intelligents, réalistes ou visionnaires, également courageux, veulent aujourd'hui reconstruire le pays sur de nouvelles bases. Les difficultés s'amoncellent à l'horizon. Il faudra éviter tout retour aux pratiques raciales d'antan, et donc protéger les minorités qui se feront jour, tout en permettant à ceux qui hier ont souffert de ces discriminations d'être enfin bien traités. Bref, réussir ce qu'ils appellent là-bas l'« affirmative action ».
Voilà pourquoi je suis repartie pleine de sentiments contradictoires, d'inquiétude et d'optimisme à la fois. Lors du dîner à l'ambassade avec le président De Klerk, l'un des invités m'avait dit : « Si vous ne passez que
quelques jours en Afrique du Sud, notez tout ce que vous voyez, tout ce que vous entendez. Au bout de soixante-douze heures, vous trouverez la solution. Après elle disparaîtra, tout est si compliqué... »
JOURNÉE ORDINAIRE AU QUAI D'ORSAY
Mercredi 8 décembre 1993. Une journée d'épouse bien ordinaire. C'est aujourd'hui le Noël des enfants du Quai d'Orsay. Ils sont quelque 1800, accompagnés d'un parent, invités cette année pour un spectacle à l'Olympia. En l'occurrence, celui de l'excellent ventriloque Marc Métra], qui enchante petits et grands. Quentin et Charline, comme leurs petits voisins, ont les yeux écarquillés et moi, maman parmi les mamans, j'applaudis à tout rompre. A la fin du spectacle, des cadeaux sont distribués aux enfants et deux d'entre eux m'offrent un beau bouquet de fleurs. C'est mon après-midi Lady Di.
Retour au Quai d'Orsay en début de soirée. En haut des marches, l'un des huissiers referme la porte derrière moi.
Dans la lumière du jour déclinant, les secrétaires d'Alain s'activent, dans la bonne
humeur. Outre leur rigueur professionnelle, j'admire surtout leur capacité à garder la tête froide, quels que soient les bouleversements intempestifs de calendrier, le harcèlement téléphonique, les
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