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A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ?

A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ?

Titel: A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ? Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Isabelle Juppé
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veulent dire, comment remplir son bulletin de
vote, à quel âge et pourquoi voter. Nous assistons à la représentation, la salle est électrisée. En swinguant, ils scandent : « Put a cross / along the name / of the party / you are voting for 2 . »
    Il existe, nous explique le directeur, six troupes de ce style qui sillonnent le pays avant les élections. Je trouve l'idée excellente et me dis qu'en France, des cours de voter education ne seraient pas forcément inutiles !
    Cap ensuite sur Thupelo, un autre quartier de Soweto, beaucoup plus misérable. Au bout d'une route défoncée, que bordent des centaines de shaks (des taudis) du squatter camp, l'Alliance française a installé une antenne de formation professionnelle. Là, les habitants du quartier peuvent apprendre les rudiments d'un métier, couture, tricot, peinture, soudure...

    Lundi, 17 heures.
    Il faut à peu près vingt minutes pour aller de Soweto à Johannesburg. L'autoroute sert de no man's land entre deux civilisations.
J'ai rendez-vous au domicile de Johnny Clegg. On pourrait se croire à la campagne, c'est un endroit plutôt vert de la ville. Le sol est détrempé par l'orage, le jardin, luxuriant. A l'intérieur, c'est chaleureux. Africain et occidental à la fois. Sur la grande table basse en bois, il y a du thé, des jus de fruits, des petits sandwichs et un délicieux gâteau aux carottes.

    Que dire de cette heure passée en compagnie du « Zoulou blanc »? Dans le désordre : je ne savais pas qu'il avait les yeux si bleus, que tant de chaleur, de simple amitié, d'intelligence et de franchise émanaient de sa personne. Nous avons parlé de tout, de la révolution, d'avant, d'après, d'hier et de demain. Il était décontracté, souriant, pétillant et grave. Deux de ses proches sont morts, il sait que la violence et l'intimidation sont le pain quotidien des Sud-Africains. Il cite Hemingway. « If you want to understand life in Africa, you have to understand death in Africa 3 . » S'inquiète pour le déroulement des élections et l'après-élections. Il faudra que les
Noirs, surtout la jeune génération, aient la patience d'attendre. Le paradis ne va pas leur tomber tout cuit dès le lendemain du vote. Il parle des Zoulous, de ceux des villes (les Urban Zoulous) et de ceux des villages (les Rural Zoulous); de l'ANC, du parti communiste, des syndicats et de l'Eglise. Rien n'est simple dans ce pays.
    Il m'explique avec des gestes comment ici on ne va pas « straight » mais « around » pour avancer... Il a une jeune femme ravissante et filiforme et un petit garçon qui, comme tous les enfants du monde, joue avec des dinosaures. Johnny me raconte la musique africaine. Un éternel recommencement. On part et on revient au point de départ, mais en s'élevant en spirale. Elle est différente de la musique occidentale qui démarre d'un point pour arriver à un autre. Il participe en ce moment lui aussi à des programmes de voter education, et s'est plongé dans un ouvrage sur l'existence de Dieu. Il devrait être en France fin avril-début mai pour le Printemps de Bourges.
    Johannesburg-Pretoria, en voiture. En rentrant à l'ambassade, je n'ai pas vu filer l'autoroute.

    Lundi soir.
    Vingt-trois heures. La nuit est tombée depuis très longtemps sur la résidence de France, qui reçoit ce soir dans ses vastes salons jaune paille et vert d'eau le président de la République Frederik W. De Klerk, et son épouse Marike, ainsi qu'un certain nombre de personnalités sud-africaines blanches engagées dans le processus de changement.
    A l'issue du dîner, une Française de passage en Afrique du Sud pour un concours international de musique s'assoit au piano. Son nom de famille : Wagner... Mais c'est un prélude de Chopin qu'elle interprète. A côté de moi, sur le canapé, le président De Klerk écoute religieusement en tirant sur un petit cigare. Debout en face, cinq ou six messieurs en smoking écoutent, silencieux... Dans l'embrasure de la porte, j'aperçois, assis dans le fauteuil d'un autre salon, le ministre des Affaires étrangères, Pik Botha. La tête légèrement rejetée en arrière, il fume lui aussi, impassible.
    Il plane sur la résidence une étrange atmosphère surannée. Les notes qui s'égrènent ne
peuvent retenir le souffle d'une époque qui s'éteint. Je me dis que l'histoire est en train de tourner.

    Mardi, 9 heures.
    Retour à Johannesburg, avec Georges Lory, le conseiller culturel.
    C'est une petite maison cachée

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