A bicyclette... Et si vous épousiez un ministre ?
entre le temps passé, l'énergie déployée et les résultats et progrès enregistrés sur le terrain.
L'Europe Gatt et Bosnie.
L'Europe du veto et l'Europe de l'ultimatum.
L'Europe des oléagineux et l'Europe des marchés massacrés.
L'Europe de l'exception culturelle et l'Europe des obus meurtriers.
L'Europe malaise.
Chapitre IX
Les mots pour le dire
Never fear bag words. Big long words name little things All big things have little names, Such as life and death, peace and war Or dawn, day, night, hope, love, home. Learn to use little words in a big way It is hard to do, But they say what you mean. When you don't know what you mean, Use big words. They often fool little people.
ARTHUR KLUDNER TO HIS SON 1 .
Là-haut, au Quai d'Orsay, dans le boudoir de la Reine dont j'ai dit qu'il me servait de bureau, mon professeur d'anglais, Denis, m'a donné un jour ce petit texte à méditer. Lors du cours précédent, je lui avais avoué avoir été incapable de prononcer aussi bien en français qu'en anglais le minidiscours que j'avais préparé avec lui pour mon premier déjeuner important au ministère. Je recevais une cinquantaine d'épouses d'ambassadeurs et de ministres présents à Paris lors du sommet d'une organisation internationale. Mon professeur m'avait pourtant fait répéter un petit toast dont je n'ai pas oublié la fin : « Let us drink to the springtime in Paris and a happier world in the near future 2 ». Ce n'était pas sorcier, mais les mots n'étaient pas sortis de ma bouche. La pluie qui tombait en guise de
springtime n'était pas un alibi valable à mon silence. J'étais tout simplement tétanisée par le trac. C'était déjà une épreuve nouvelle pour moi de recevoir pour la première fois au Quai d'Orsay, en mon nom, c'est-à-dire sans Alain qui déjeunait ailleurs dans Paris pour ce même sommet... L'opération avait demandé une grande préparation et mobilisé une bonne partie de mon énergie et de celle de plusieurs autres personnes pendant un certain temps. Il avait fallu que je choisisse, avec l'intendant et la cuisine, le menu du jour. Je me rappelle avoir proposé un plat de poisson en remplacement de la viande prévue, en pensant que cela serait plus léger pour les dames ; souhaité du fromage pour faire connaître aux invitées étrangères l'une de nos fiertés nationales ; et acquiescé à l'idée du « gâteau aéré au caramel », parce que je savais que les femmes, même soucieuses de leur ligne, sont gourmandes...
Avec une jeune femme du service du protocole, qui faisait elle aussi ses débuts, si je m'en souviens bien, il avait fallu préparer les plans de table, ce qui n'est jamais une mince affaire. Six tables avaient été dressées dans la galerie de la Paix, et chacune de mes cinq « consœurs » (à savoir des épouses de ministres
du gouvernement Balladur) avait accepté d'en présider une.
Dans la matinée du fameux jeudi, j'étais allée regarder la mise en place des tables, baptisées du nom de régions françaises, et décorées en leur centre d'un joli petit bouquet de fleurs.
A treize heures sonnantes, il avait fallu que j'accueille mes invitées l'une après l'autre, à l'entrée du salon de l'Horloge, que je donne vingt minutes plus tard le signal du passage à table — à l'aide du clin d'œil complice de l'intendant —, qu'une heure et demie plus tard je me lève pour donner le signal du café... C'était déjà beaucoup et le toast n'était pas venu.
Il s'est écoulé plusieurs semaines avant qu'une occasion similaire se représente. C'était un déjeuner offert en l'honneur des épouses d'ambassadeurs arabes à Paris, dont plusieurs m'avaient déjà invitée dans leur résidence.
Cette fois encore, j'avais bien répété mon toast, notamment la veille à bicyclette en rentrant à la maison.
J'avais demandé à un conseiller d'Alain quelques « éléments de langage », comme l'on dit en termes diplomatiques, dont je m'étais vaguement inspirée, mais que j'avais récrits
avec mes mots à moi. Je me suis lancée dès le début du repas, pour éviter l'angoisse pendant le déjeuner. La coupe de champagne prise en guise d'apéritif m'avait aidée. Une fois toutes ces dames assises — nous étions une vingtaine — je m'étais aussitôt levée pour ne pas fléchir et surtout parce que mon professeur m'avait conseillé de parler debout et de me tenir bien droite pour avoir de l'assurance et dominer mon auditoire. Je m'étais jetée à l'eau d'une
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