Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
À La Grâce De Marseille

À La Grâce De Marseille

Titel: À La Grâce De Marseille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Welch
Vom Netzwerk:
François. Dans quel but, elle l’ignorait, mais l’idée d’être l’instrument de ce monstre l’horrifiait.
    Etendue sur son lit, elle entendait la voix à présent presque enjouée vanter ses formes épanouies à la Rubens, sa luxuriante chevelure. Elle aurait voulu pleurer, mais elle n’y arrivait pas. Elle se sentait simplement vidée, comme si cet homme venait de la souiller.
    Il y eut un moment de silence. Elle devinait qu’il la regardait, réfléchissant à ce qu’il allait faire, mais elle tourna la tête vers le mur et garda les yeux fermés. Elle l’entendit soupirer et espéra sans trop y croire qu’il avait renoncé.
    « Très bien, finit-il par déclarer. Je constate que vous refusez. Je comprends. » Il se dirigea vers la porte, puis s’arrêta et reprit : « Je crains d’être obligé de dire à Olivier que vous n’avez pas satisfait mes désirs. Il sera sans doute extrêmement fâché. » Il marqua une pause, comme s’il lui laissait une chance de changer encore d’avis. Puis sa voix s’éleva de nouveau : « Voyez-vous, il est amoureux de moi, mais je le trouve à peu près aussi séduisant qu’un crapaud. Je suis sûr que vous pensez la même chose. Quoi qu’il en soit, vous devrez en répondre devant lui. Peut-être qu’il vous renverra dans le Vaucluse auprès de votre famille. »
    Au moment où il tournait le bouton de la porte, Marie se redressa brusquement. « Attendez un instant, monsieur. Je vous en supplie… attendez. »
    L’homme était maintenant parti et Marie, agenouillée devant le dernier tiroir de la commode, en fixait le contenu du regard. Elle ouvrit l’écrin de velours et passa le doigt sur la pierre froide du camée, sentant le profil en relief du beau visage de femme. Qui était-elle ? Avait-elle réellement existé ? Elle referma le coffret et prit sa bible qu’elle ouvrit à une page marquée d’un signet. Ses yeux tombèrent sur un passage souligné à l’encre. Elle ne savait pas lire, mais elle s’imagina entendre la voix du prêtre le récitant : « Pourquoi n’as-tu point tenu le serment de Dieu et le commandement que je t’ai donné ? » Le commandement que je t’ai donné ! Le Seigneur ne lui pardonnerait jamais ce manquement. Elle glissa la pochette de papier cristal ainsi que les deux billets de dix francs entre les pages, puis referma la bible.
    Peut-être irait-elle demain à l’abbaye de Saint-Victor prier la Vierge Noire de lui pardonner. Depuis qu’elle était devenue prostituée, Marie n’allait plus à l’église, sauf à l’occasion des fêtes religieuses importantes, d’une part parce qu’elle avait du mal à se lever le dimanche matin après la nuit du samedi qui était toujours longue et agitée, et d’autre part parce qu’elle se sentait indigne d’entrer dans une église, remplie de honte à l’idée de confesser ses péchés et craignant d’encourir la colère de Dieu. Elle avait grandi au milieu d’histoires qui parlaient d’un Dieu impitoyable et vengeur punissant ceux qui ne Le glorifiaient pas. Elle frémissait de terreur rien qu’à y penser. Elle n’allait à la messe que les jours où certaines des autres filles s’y rendaient aussi. Peut-être s’imaginaient-elles que le nombre leur assurait la sécurité. Marie ne posait pas de questions. La religion était une affaire personnelle.
    Elle referma le tiroir, puis elle se releva et s’examina dans le miroir. Elle se farda les joues et se mit du rouge à lèvres. Elle préféra ne pas se faire les yeux. Elle appréhendait de descendre, mais il ne restait plus que deux ou trois heures. Elle avait encore un travail et un toit. Quant à samedi soir, elle ferait ce qu’on attendait d’elle et François disparaîtrait de sa vie à jamais. Elle en était certaine. De toute façon, il n’avait pas réellement fait partie d’une vie telle qu’elle la désirait. Tout cela n’avait été qu’un rêve.
    Charging Elk était surpris de la froideur que Marie lui manifestait. Alors qu’ils se trouvaient sur le divan, leurs cuisses se frôlant, elle lui paraissait si lointaine. Quand il lui parla de son nouveau travail et de l’augmentation de trois francs par semaine qu’on lui avait accordée, elle réagit avec indifférence. Quand il lui annonça qu’il envisageait de prendre un plus bel appartement, plus vaste, assez grand pour deux (encore qu’il ne sût pas très bien comment il fallait procéder), elle détourna les yeux et dit

Weitere Kostenlose Bücher