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À La Grâce De Marseille

À La Grâce De Marseille

Titel: À La Grâce De Marseille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Welch
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les lèvres et le nez. Brusquement, il se figea. Il était de retour dans son corps.
    Sa main effleura quelque chose et il tourna la tête. C’était son pantalon roulé en boule sur le lit à côté de lui. Les idées un peu plus claires, il distingua sa main qui tâtonnait à la recherche d’une poche. La première ne contenait qu’un peu de monnaie. De la deuxième, il tira un couteau qu’il amena devant son visage. C’était un beau couteau au manche d’ébène rehaussé de deux petites plaques d’argent aux extrémités. Il repéra le minuscule bouton, le pressa et vit jaillir comme par magie, avec un petit déclic, une lame effilée de la longueur de son index.
    Pendant que son regard se concentrait sur la lame étince-lante, il sut ce qu’il allait faire. Il était résolu. Il se sentait soudain fort, comme s’il se réveillait d’un rêve. Il se dressa lentement, prudemment, afin ne pas attirer l’attention. Il regarda le dos svelte, les bosses que dessinaient les vertèbres, les creux entre les côtes, et puis le renflement des fesses, la raie qui les séparait.
    Et il vit la lame briller une fraction de seconde dans la pénombre de la pièce avant de s’enfoncer dans le dos nu, et il entendit un cri étouffé, sentit dans le même temps son poing s’écraser contre la chair. Il frappa de nouveau, puis encore et encore, plongeant le couteau dans la chair pâle. Après quoi, saisissant une poignée de cheveux blonds, il rejeta la tête en arrière. Et, alors qu’il appliquait la lame contre la gorge, il fixa les yeux bleus, des yeux qu’il lui sembla reconnaître. Des bulles d’une écume rosâtre s’échappaient des lèvres délicates qui bougeaient sans que le moindre son n’en sorte. Il trancha alors la gorge, pesant de toutes ses forces. Le couteau était bien affûté et, lorsqu’il attaqua la trachée, il y eut comme un bruit de succion. Il lâcha les cheveux et la tête retomba lourdement sur ses genoux.
    Le tout n’avait duré que quelques secondes, mais Charging Elk avait décomposé chacune des étapes comme si le temps s’était presque immobilisé. Il resta un instant assis, épuisé par ses efforts, encore incapable de croire à ce qui venait de se passer alors même que son esprit le revivait sans cesse.
    Et soudain, la panique le gagna. Il ne fallait pas qu’il s’attarde. L’espace d’un moment, il se sentit à deux doigts d’être malade, mais il parvint à se reprendre. Il se dégagea de dessous la tête. Ses cuisses étaient maculées d’écume rose et de sang noir. Se levant pour se diriger vers le lavabo, il faillit trébucher sur le corps toujours en position agenouillée. Il versa un peu d’eau dans la cuvette, y trempa une serviette, puis entreprit de nettoyer le sang dont il était couvert. Il promena son regard sur la pièce exiguë, tâchant de repérer ses vêtements afin de pouvoir s’habiller le plus vite possible. Tout à coup, à la vue d’un objet posé sur la table de nuit, il se figea et arrêta de respirer.
    Une paire de lunettes cerclées d’or, soigneusement repliées, luisait dans la faible lumière dispensée par la lampe à l’abat-jour rouge en perles.
    Heureusement, il n’y avait presque plus personne dans le salon. Deux hommes et l’une des pensionnaires occupaient une table dans un coin, tandis qu’Olivier et le barman s’entretenaient à côté de la caisse, tournant le dos à la pièce. Quant au cerbère, il semblait avoir disparu. La porte se trouvait à une vingtaine de mètres, et Charging Elk se rappela comment il s’était évadé de la maison des malades quatre ans plus tôt en traversant la grande salle meublée de fauteuils et de canapés. Cette fois, il s’avança posément, se contentant de marcher sur la pointe des pieds et fredonnant un chant qu’il n’avait pas chanté depuis longtemps et qui, il le savait, le rendait invisible. Il atteignit la porte qu’il ouvrit en maintenant le petit carillon pour éviter qu’il ne tinte.
    Une fois dehors, il s’engagea à pas vifs dans la rue sombre et déserte, sans se soucier du claquement de ses talons sur les pavés. Il s’efforçait de ne penser à rien d’autre qu’à s’éloigner le plus rapidement possible de cet endroit, et lorsqu’il tourna le coin en direction du Vieux-Port, il se laissa enfin aller à pousser un long soupir, s’apercevant qu’il retenait son souffle depuis… une éternité. Il avait l’impression d’avoir cessé de respirer des

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