A l'écoute du temps

cuisine. Pendant que son
aîné se dirigeait vers les toilettes, Gilles s'assit à table et mit deux
tranches de pain à griller.
     
    — Grand
sans-dessein! s'écria Richard dans le couloir.
     
    Tu peux pas
regarder où tu marches!
     
    — Ta gueule, toi!
répliqua Jean-Louis qui revint dans la cuisine en sautillant sur un pied.
     
    — Qu'est-ce qu'il
y a encore? demanda Laurette, sur un ton excédé.
     
    — Ce maudit
lit-là est dans le chemin! répondit Jean- Louis qui venait de s'asseoir pour se
masser un pied. Je me suis accroché dedans en passant.
     
    Richard entra à
son tour dans la cuisine, en affichant une mauvaise humeur évidente.
     
    — Il est ben trop
de bonne heure pour te lever, lui fit remarquer sa mère.
     
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    — Ça me sert à
rien de rester couché, il y a pas moyen de dormir tranquille. Tout le monde
arrête pas de me réveiller. Je suis aussi ben de me lever.
     
    — Si c'est comme
ça, va faire ton lit et pousse-le dans la chambre de tes frères.
     
    — Ça peut pas
attendre après que j'aie mangé?
     
    — Non.
Grouille-toi. De toute façon, les autres doivent partir et il faut qu'ils
déjeunent avant toi.
     
    L'adolescent
quitta la cuisine au moment même où Denise y entrait. Sans un mot, elle prit
une tasse dans l'armoire, y versa une cuillérée de chocolat Fry avant de la
remplir d'eau chaude.
     
    — J'ai pas
préparé de gruau à matin, dit la mère de famille à ses enfants. Mais si vous en
voulez, je peux vous en faire.
     
    Tous les trois
refusèrent son offre, prêts à se contenter de rôties qu'ils couvraient de
beurre d'arachide ou de marmelade. Richard était parvenu à replier son lit.
     
    — Est-ce que
quelqu'un peut m'aider à le pousser dans la chambre? demanda-t-il en passant la
tête dans la cuisine. Si je le tire, je vais grafigner le prélart.
     
    Gilles se leva et
l'aida à ranger le lit dans la chambre, entre le pied du lit et le mur.
     
    — C'est fin en
tabarnouche cette affaire-là, fit remarquer Jean-Louis en allant chercher ses
articles de toilette. Je suis obligé de marcher sur le lit si je veux aller
fouiller dans mes tiroirs.
     
    — C'est juste
pour deux semaines, lui fit remarquer sa mère.
     
    Quand son frère
eut disparu dans les toilettes, Denise déposa sa tasse vide sur la table et
demanda à sa mère:
     
    — Avez-vous
pensé, m'man, à ce qu'on va faire à soir quand Serge va venir veiller? 342
L'ARRIVÉE DE GRAND-MÈRE
     
    — Tiens! J'y
avais pas pensé pantoute, reconnut Laurette, soudain songeuse.
     
    — Non seulement
il va y avoir mémère de plus dans la cuisine, mais il va y avoir aussi le lit
dans le couloir.
     
    — C'est pourtant
vrai.
     
    — Qu'est-ce qu'on
va faire?
     
    — Il y a rien à
faire, ma fille. On n'est pas pour mettre ta grand-mère sur le balcon en plein
hiver parce que ton chum vient veiller.
     
    — Je le sais ben,
m'man! Mais pour le lit de Richard, qu'est-ce qu'on fait?
     
    — Je le sais pas.
Au fond, si nous autres on peut passer entre le mur et le lit, ton Serge peut
faire la même chose, non?
     
    — C'est pas ça,
m'man, dit la jeune fille sur un ton impatient. On va avoir l'air de quoi,
arrangés comme ça?
     
    — On va juste
avoir l'air du monde qui manque de place, dit sèchement sa mère qui commençait,
elle aussi, à perdre patience.
     
    — Vous pourriez
pas au moins donner à Richard la permission de veiller jusqu'à onze heures, le
temps que Serge parte? suggéra la jeune fille. Comme ça, son lit serait pas
dans les jambes de tout le monde.
     
    — Ça, c'est une
bonne idée, approuva l'adolescent en donnant un coup de coude à Gilles qui
écoutait sans rien dire.
     
    — Ça le ferait
coucher pas mal tard, lui fit remarquer Laurette.
     
    — C'est juste un
soir dans la semaine, m'man, plaida Denise. Il a pas d'école demain.
     
    — On va essayer,
mais à condition qu'il soit endurable.
     
    S'il s'énerve le
moindrement, je te passe un papier qu'il va prendre le bord de son lit et il
sera pas tard. Laisse rien traîner dans ta chambre avant de partir, ajouta la
mère de 343 famille en se levant. Je vais m'organiser pour que Carole fasse le
lit comme il faut avant que ta grand-mère arrive.
     
    Oublie pas
qu'elle peut tout voir dans votre chambre.
     
    C'est toujours le
problème avec une chambre double.
     
    Pendant que
Laurette allait jeter un dernier coup d'oeil dans la chambre destinée à sa
belle-mère, Richard ne put s'empêcher de narguer son frère