A l'écoute du temps
Gilles.
— En tout cas, à
soir, je vais écouter toute la partie de hockey dans la cuisine. Je manquerai
rien. C'est Toronto qui joue contre le Canadien. Il va y avoir de la bataille.
— Ça me dérange
pas, répliqua Gilles, insouciant.
Je vais tout
entendre pareil si je laisse la porte entrouverte.
Dans la chambre
des filles, je vais être pas mal plus proche du radio. C'est pas mal mieux que
notre chambre d'en avant.
— T'oublies que
Jean-Louis peut pas sentir le hockey.
Il va fermer la
porte de la chambre et t'entendras plus rien.
— Pas de danger.
Le samedi soir, il sort tout le temps.
Après le dîner,
Laurette s'empressa de voir à ce que tout l'appartement soit dans un ordre
impeccable. Elle reprocha même à Gérard de laisser traîner ses gants sur
l'armoire.
— Calme-toi un
peu, lui conseilla son mari. Comme tu dis, c'est pas la reine d'Angleterre que
t'attends.
— Je le sais,
bonyeu! Mais tu connais ta mère. J'ai pas l'intention qu'elle aille raconter
partout qu'on est des cochons. On n'est peut-être pas riches, mais on est
capables de se nettoyer.
Un moment plus
tard, elle s'aperçut avec agacement qu'il ne lui restait pratiquement plus de
cigarettes.
344 L'ARRIVÉE DE
GRAND-MÈRE
— Richard,
dit-elle à son fils qui se préparait à aller retrouver des copains, va chez
Brodeur me chercher une boîte de Sweet Caporal et une boîte de tubes. Fais ça
vite que j'aie le temps de me faire des cigarettes avant que ta grand-mère
arrive.
L'adolescent
revint cinq minutes plus tard avec le tabac et les tubes demandés par sa mère.
Cette dernière étendit sur la table de cuisine une feuille de journal sur laquelle
elle répandit un peu de tabac et, armée de son tube métallique, entreprit de se
confectionner rapidement quelques cigarettes. Elle en était à couper le résidu
de tabac qui dépassait à l'extrémité de chacune quand on sonna à la porte.
— Viarge! Pas
déjà ta mère! s'écria-t-elle en se tournant vers Gérard. Va lui ouvrir pendant
que je ramasse toutes mes affaires.
Le maître de
maison déposa La Patrie qu'il était en train de lire et se dirigea vers la
porte d'entrée. Sa femme entendit la voix de Rosaire Nadeau puis celle de sa
belle-mère.
Elle s'empressa
de ranger dans l'armoire son tabac et ses cigarettes avant d'aller au-devant
des nouveaux arrivants.
— Bonjour, madame
Morin, bonjour Rosaire, dit-elle aux deux parents qui étaient debout dans
l'entrée, près d'une grosse valise en cuir brun.
— Bonjour,
Laurette, dit Rosaire en s'efforçant de mettre de l'entrain dans sa voix.
— Bonjour, ma
fille, répondit Lucille Morin en train de déboutonner son épais manteau de drap
pendant que son fils, un genou par terre devant elle, était occupé à abaisser
la fermeture-éclair de ses bottes.
— Restez pas
debout dans l'entrée. Venez vous asseoir, offrit Laurette qui semblait avoir
déjà oublié de quelle manière elle avait été reçue moins de deux semaines
auparavant chez son beau-frère.
345
— Si ça vous fait
rien, je vais m'en aller, dit Rosaire, la main toujours posée sur la poignée de
la porte. Je devrais être au garage depuis déjà un bon bout de temps.
Le samedi, c'est
la meilleure journée de la semaine pour vendre des chars et là, j'ai laissé mon
jeune vendeur tout seul pour aller chercher madame Morin à la maison.
— Et Colombe?
demanda Gérard en se relevant.
— Elle s'occupe
des déménageurs qui vont transporter tous nos meubles dans la cave de notre
nouvelle maison. A la fin de l'après-midi, je vais aller la chercher et on va
aller s'installer chez les Laçasse. Bon, je vous laisse, j'ai laissé tourner le
moteur du char, ajouta Rosaire en embrassant Laurette et sa belle-mère sur une
joue après avoir serré la main de Gérard.
Le petit homme
ouvrit la porte et sortit de la maison, faisant entrer pendant un bref moment
de l'air froid dans les lieux. Dès que la porte fut refermée, Lucille Morin
retira son manteau et le tendit à son fils.
— Mets-le sur un
support, Gérard. Je veux pas qu'il soit tout froissé.
La vieille dame
portait une robe rouge vin toute simple et sentait le muguet. Elle ouvrit son
sac à main et en retira ses lunettes qu'elle posa sur son nez.
— Venez boire une
tasse de thé, m'man, lui offrit son fils. Ça va vous réchauffer.
— J'aimerais
mieux défaire
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