A l'écoute du temps

rien.
     
    401
     
    — Oui, je
comprends. Mais à votre place, je m'inquiéterais tout de même un peu.
     
    — Pourquoi je
m'inquiéterais? demanda la mère de famille, alertée par les paroles de sa
belle-mère.
     
    — Je sais pas.
Vous trouvez ça normal, vous, qu'il passe autant de temps avec son ami Jacques?
     
    — Ben, c'est avec
lui qu'il a étudié pour avoir sa job à la comptabilité. Il s'entend ben avec
lui.
     
    — Je sais. Il
arrête pas d'en parler, lui fit remarquer Lucille. Il est comme en adoration
devant lui. Vous l'avez déjà vu, vous, ce garçon-là? Quel âge a-t-il?
     
    — Non, je l'ai
jamais vu, répondit sèchement Laurette, mais je suis certain que c'est du bon
monde sinon mon Jean-Louis le fréquenterait pas.
     
    — Si vous le
prenez comme ça, conclut sa belle-mère en secouant la tête avec un air
sceptique. Si ça vous dérange pas trop, Laurette, je pense qu'au lieu de
tricoter, je vais aller faire une petite sieste. J'ai pas l'habitude d'aller me
coucher en plein après-midi, mais il me semble qu'aujourd'hui, ça me ferait du
bien.
     
    — Faites donc ça,
madame Morin, l'invita sa bru en cachant mal son soulagement de ne plus l'avoir
dans la même pièce qu'elle.
     
    La vieille dame
se leva et disparut dans sa chambre.
     
    — La vieille
maudite! dit à mi-voix Laurette en grinçant des dents. Pour baver sur le monde,
elle est toujours là, elle! Si Lucille Morin avait vraiment voulu gâcher la
joie de sa bru, elle ne s'y serait pas prise autrement. Même si elle était
intimement persuadée qu'elle ne cherchait qu'à la perturber, Laurette se promit
tout de même d'ouvrir l'oeil et de s'informer le plus tôt possible sur ce
Jacques Cormier, l'ami de son fils. On ne savait jamais. Ce serait plus
prudent.
     
    402 UN PEU PLUS
LONGTEMPS Cet après-midi-là réservait à Laurette une bien agréable surprise.
Vers deux heures, elle découvrit son beau-frère Rosaire planté devant sa porte.
Le petit homme à la silhouette épaissie par son manteau de chat sauvage accepta
l'invitation de sa belle-soeur d'entrer boire une tasse de café. Sa Cadillac
noire était stationnée devant la porte.
     
    — Je serai pas
longtemps, dit le vendeur d'autos en déboutonnant son manteau après avoir
retiré ses caoutchoucs.
     
    Je suis venu
chercher madame Morin.
     
    — Prends au moins
le temps de souffler, lui conseilla sa belle-soeur, immédiatement remplie d'une
joie intense à la pensée de se débarrasser enfin de sa belle-mère dans quelques
minutes.
     
    Au même moment,
Lucille Morin sortit de sa chambre.
     
    Elle avait
reconnu la voix du visiteur.
     
    — Bonjour madame
Morin. J'espère que je vous ai pas réveillée? demanda Rosaire en la voyant
s'avancer dans le couloir.
     
    — Pas de saint
danger, protesta la vieille dame. Je venais à peine de m'étendre pour lire un
peu.
     
    — Je suis venu
vous chercher si vous voulez toujours rester avec nous autres, bien entendu,
lui annonça-t-il.
     
    — T'es bien fin
de t'être dérangé pour venir me chercher, dit Lucille. Donne-moi cinq minutes
pour faire ma valise et je vais être prête.
     
    — Il y a pas le
feu, belle-mère. Prenez tout votre temps, lui conseilla son gendre en
s'emparant de la tasse de café que venait de lui tendre Laurette.
     
    Lucille Morin
rentra dans sa chambre, laissant largement le temps à Rosaire de raconter
comment s'était déroulé son emménagement dans sa nouvelle maison du boulevard
Rosemont.
     
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    — Si t'es venu
chercher madame Morin, est-ce que ça veut dire que la peinture dans ta nouvelle
maison est finie? s'enquit sa belle-soeur.
     
    — En plein ça,
répondit Rosaire en allumant son cigare qui s'était éteint. Tout est placé dans
la maison et ça sent même plus la peinture.
     
    — On peut pas
dire que vous avez chômé, toi et Colombe, lui fit remarquer Laurette.
     
    — Non, mais il
faut dire qu'on avait trois peintres pour faire l'ouvrage. En plus, Colombe
avait engagé une femme de ménage qui l'a aidée à tout remettre en place.
     
    Je pense qu'elle
est tellement satisfaite de cette femme-là qu'elle va la garder pour venir
faire le ménage tous les vendredis.
     
    — Eh ben! Il y en
a qui sont chanceuses d'avoir de l'aide comme ça, fit Laurette en cachant mal
son envie.
     
    — Pendant que j'y
pense, Laurette, on vous remercie d'avoir gardé madame Morin, même si vous
aviez pas grand place pour faire ça. Ça nous a pas mal aidés.
     
    Colombe