A l'écoute du temps
son
retour du travail, Gérard accepta sans commentaire le départ de sa mère, heureux
au fond de retrouver la routine. Lorsque sa femme lui apprit les bons résultats
scolaires des trois écoliers de la famille, le père ne manqua pas de s'en
réjouir et de les féliciter. Au moment du dessert, Laurette lui dit:
— Ta mère a voulu
absolument me laisser trente piastres avant de partir.
— Puis?
— J'ai refusé. Je
lui ai dit qu'on était pas quêteux au point de la faire payer.
— T'as ben fait.
— Remarque que
j'aurais pas haï qu'elle nous fasse un cadeau, par exemple. Elle aurait pu nous
acheter un petit quelque chose.
— Tu sais ben
qu'elle sort juste pour la messe le dimanche pendant l'hiver. Comment
voulais-tu qu'elle nous achète quelque chose?
— En tout cas, on
va la revoir dimanche prochain parce que ta soeur nous invite à souper. Rosaire
va même venir nous chercher.
— T'as accepté?
— Une folle!
Penses-tu que j'allais refuser. En quinze ans, on peut compter sur les doigts
d'une main le nombre de fois qu'elle nous a invités.
— Est-ce
qu'elle-nous a invités avec les enfants?
— Rosaire l'a pas
dit. Je suppose que oui. Elle doit ben savoir qu'on n'est pas pour les laisser
à la maison. En plus, ta soeur a pas arrêté de dire comment sa nouvelle maison
était grande quand elle est venue au mois de décembre.
On va ben le voir
dimanche.
Chapitre 17 Entre
la honte et l'envie Le samedi soir, lorsque Laurette parla de la sortie du
lendemain chez la tante Colombe, Jean-Louis et Denise s'empressèrent de trouver
une excuse pour échapper à cette corvée familiale. Les deux aînés de la famille
étaient peu intéressés d'aller admirer la nouvelle maison des Nadeau.
Richard chercha
bien lui aussi à esquiver cette visite parce qu'il ne tenait pas à revoir si
tôt sa grand-mère, mais ce fut en pure perte.
— Toi, t'as pas
le choix, lui déclara sa mère sur un ton sans appel. A soir, tu prendras ton
bain comme ton frère et ta soeur. Demain, je veux vous voir habillés proprement
tous les trois, ajouta-t-elle en se tournant vers Gilles et Carole. Il est pas
question que vous nous fassiez honte chez votre tante.
Après avoir aidé
à laver la vaisselle, Denise dit à ses parents que Serge l'amènerait voir un
film au Saint-Denis dans quelques minutes et elle se retira dans sa chambre
pour se préparer. La veille, le jeune caissier lui avait appris que son père et
lui reviendraient de Saint-Donat au milieu de l'après-midi parce qu'ils avaient
choisi d'aller travailler chez le cousin dès le vendredi soir plutôt que
d'attendre le samedi matin.
— Et toi,
Jean-Louis, qu'est-ce que tu vas faire à soir? lui demanda sa mère.
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— Je pense que je
vais aller faire un tour chez Jacques.
Laurette se
rappela brusquement les paroles de sa belle-mère, trois jours plus tôt.
— Sais-tu qu'on
n'haïrait pas ça voir ce Jacques-là, ton père et moi, dit-elle à son fils.
Invite-le donc à venir faire un tour un soir.
— Je sais pas
s'il va avoir le temps, m'man, dit Jean- Louis. Le soir, il fait de la
comptabilité pour des petits commerces proches de chez eux. Il est pas mal
occupé.
Mais je vais lui
en parler.
— C'est ça,
parle-lui, dit sa mère sur un ton tranchant.
Jean-Louis quitta
la maison en même temps que Serge Dubuc et Denise. Quand Laurette eut
l'occasion de se retrouver seule dans la cuisine avec son mari, un peu avant la
retransmission radiophonique de la partie de hockey du samedi soir, elle ne put
s'empêcher de lui demander:
— Ça te fatigue
pas, toi, de le voir aller passer un ou deux soirs par semaine avec ce gars-là?
— De qui tu
parles? fît Gérard.
— De Jean-Louis,
cette affaire, pas du voisin.
— Ben, pour moi,
l'important est que son chum soit pas un bum qui passe ses soirées dans les
tavernes ou dans des clubs, comme le Mocambo ou le Casa Loma. Ça a l'air d'un
gars correct qui travaille. Jean-Louis est aussi ben de se tenir avec lui que
de se tenir avec une gang.
— Ouais, on sait
ben, fît Laurette, tout de même peu convaincue de la justesse du raisonnement
de son mari.
Ce soir-là, au
moment de se mettre au lit, elle ne put s'empêcher de chuchoter à son mari:
— Je vais chez ta
soeur demain surtout pour voir sa maison. Je suis pas mal certaine qu'elle
s'est vantée quand elle nous en a
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