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A l'écoute du temps

A l'écoute du temps

Titel: A l'écoute du temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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annonça-t-elle en vérifiant si elle avait bien rangé son porte-monnaie, son
paquet de cigarettes et son briquet dans son sac. Il y a un reste de spaghetti
dans le frigidaire pour le dîner.
     
    63 Gérard se
contenta de grogner quelque chose avant de replonger dans sa lecture. Laurette
lui adressa un vague signe de la main avant de quitter la maison. En refermant
la porte d'entrée derrière elle, elle aperçut Carole assise sur le pas de la
porte voisine en compagnie de son amie Mireille.
     
    — Oublie pas de
faire la vaisselle et de replacer la cuisine après le dîner, lui dit-elle. Je
veux pas retrouver la maison à l'envers quand je vais revenir.
     
    — C'est correct,
m'man, fit la fillette.
     
    Il ne serait
jamais venu à l'idée de Carole de demander à sa mère où elle allait en ce bel
avant-midi du mois d'août. De tout temps, le samedi était la journée de congé
hebdomadaire de sa mère et il n'y avait pas à revenir là-dessus.
     
    Chaque samedi
matin, elle quittait invariablement le toit familial un peu après dix heures
pour revenir à la maison vers quatre heures de l'après-midi, habituellement
fatiguée, mais satisfaite. On aurait juré qu'elle puisait dans cette sortie la
force nécessaire pour traverser les six jours suivants. Seul un imprévu pouvait
la faire renoncer à ce droit qu'elle avait conquis de haute lutte.
     
    Quand Laurette
avait exigé, dès les premières semaines de son mariage, que son mari «la laisse
souffler un peu», comme elle disait, en lui permettant d'aller faire du
«magasinage» en solitaire le samedi après-midi, ce dernier avait refusé
catégoriquement. Il ne voyait pas pourquoi sa femme irait courir les magasins
toute seule, sans son mari. À ses yeux, ce genre de liberté ne convenait pas à
une jeune femme mariée. Elle avait immédiatement deviné que Gérard avait
consulté ses parents à ce sujet et qu'ils l'avaient encouragé secrètement à lui
tenir la bride serrée.
     
    64 UN COMMENTAIRE
DÉSOBLIGEANT De toute évidence, Conrad et Lucille Morin n'avaient jamais
compris ce besoin de leur bru. Mais ces derniers ignoraient à qui ils avaient
affaire. S'ils s'étaient imaginé qu'ils allaient venir faire la loi chez elle
et mener leur fils marié par le bout du nez, ils se trompaient lourdement.
     
    Les jours suivant
le refus catégorique de son mari, la nouvelle madame Morin lui avait rendu la
vie si misérable qu'il lui avait offert de lui-même de l'accompagner le samedi
suivant dans sa tournée des magasins de l'ouest de la ville. Elle avait accepté
sans trop d'enthousiasme tout en se rendant compte qu'elle avait tout de même
marqué un point. Elle savait que Gérard détestait hanter les magasins et qu'il
s'était résigné à un lourd sacrifice en l'accompagnant durant ce qu'il
considérait comme son unique véritable journée de congé de la semaine. Laurette
avait su alors faire preuve d'assez de ruse pour se montrer reconnaissante à
son endroit après une épuisante journée de lèche-vitrine.
     
    Le samedi
suivant, Gérard avait baissé pavillon sans aucune honte. Quand sa femme avait
commencé à le houspiller après le déjeuner pour qu'ils partent, il avait refusé
tout net de l'accompagner.
     
    — Vas-y toute
seule! avait-il sèchement déclaré. Tu t'imagines tout de même pas que je vais
passer mes samedis à te suivre dans tous les magasins de la ville. J'ai autre
chose à faire.
     
    C'est ainsi que
cette sortie hebdomadaire arrachée de haute lutte était devenue un droit auquel
Laurette tenait comme à la prunelle de ses yeux. Elle était la manifestation
tangible de son indépendance. Elle était certaine d'être enviée par toutes les
femmes mariées de son entourage qui ne parvenaient jamais à se libérer du joug
étouffant de leur famille.
     
    65
     
    — Je vois
vraiment pas pourquoi, ma fille, vous tenez tant à courir les rues toute seule,
avait fini par lui faire remarquer sa belle-mère, peu après la naissance de
Denise.
     
    —- C'est juste
pour montrer que je suis pas l'esclave de personne dans cette maison, madame
Morin, avait rétorqué une Laurette vindicative.
     
    — Mais vous avez
un mari, un enfant et...
     
    — Puis après? Ils
sont encore là quand je reviens à la fin de l'après-midi.
     
    — Mais vous avez
pas peur de donner des idées à Gérard? Vous savez, un homme tout seul, à rien
faire, il peut chercher à aller voir ailleurs.
     
    — Ah! vous savez,
madame Morin, votre Gérard est pas

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