A l'écoute du temps
écourter un office
religieux dont la longueur leur semblait inhumaine et, surtout, inutile.
Ils en avaient
déjà expérimenté quelques-unes avec un certain succès. Les trucs du lacet cassé
en route ou du robinet qu'on a oublié de fermer en quittant la maison avaient
été excellents, mais ils présentaient l'inconvénient de ne pouvoir être
utilisés plus qu'une fois. Par ailleurs, ils répugnaient à feindre une migraine
ou la grippe pour échapper à la messe parce qu'au début du printemps précédent
cela leur avait coûté de passer une journée complète au lit à absorber toutes
sortes de médicaments au goût détestable.
Bref, les deux
jeunes avaient dû attendre une heure de plus avant de pouvoir se débarrasser de
ce qu'ils considéraient comme une pénible corvée. À peine Gérard et son fils
aîné étaient-ils revenus de l'église que Laurette donna le signal du départ.
— Je veux pas
vous voir partir à courir sur la rue comme deux fous, les avertit-elle sévèrement.
Vous nous attendez à la porte de l'église et vous vous assoyez avec nous
autres, dans le même banc. Vous m'entendez?
— Ben oui, m'man,
fit Richard, exaspéré.
— Je veux aussi
vous voir aller communier. Moi, je peux pas y aller à matin parce que j'ai dû
prendre des 92 UN DIMANCHE COMME LES AUTRES pilules, mentit-elle, mais vous
autres, vous avez pas de raisons de pas y aller.
— Ben, on n'est
pas obligés d'aller communier chaque fois qu'on va à la messe, protesta
Richard.
— Non, c'est vrai,
reconnut sa mère. Mais si t'es pas en état de grâce, t'as juste à aller à la
confesse le vendredi après-midi.
L'adolescent
comprit tout de suite la menace. Il n'était pas question qu'il aille passer une
partie du vendredi après-midi à l'église pour se confesser.
— Je le sais, se
contenta-t-il de dire avant de faire signe à Gilles de marcher à ses côtés sur
le trottoir plus large de la rue Fullum pendant que leur mère marchait derrière
eux, encadrée par Denise et Carole.
En ce dernier
dimanche d'août, le soleil brillait de tous ses feux dans un ciel dégagé de
tout nuage. La journée promettait d'être chaude. Les cloches de l'église
sonnèrent au moment où Laurette Morin et ses enfants tournaient au coin de
Sainte-Catherine après avoir longé la petite clôture en fer forgé noir qui
protégeait le maigre parterre gazonné du presbytère, un édifice carré d'un
étage en pierre et en brique. Déjà, plusieurs fidèles montaient la douzaine de
marches qui permettaient d'accéder aux portes du temple. Avant d'entrer,
Laurette et Denise vérifièrent de la main si leur chapeau était bien en place
pendant que Carole ajustait son béret bleu marine.
— Crase un peu
tes cheveux avec ta main; ils relèvent de partout, ordonna Laurette à Richard.
L'adolescent
avait eu beau mouiller abondamment sa chevelure avant de partir de la maison,
les mèches indisciplinées avaient relevé la tête dès qu'elles avaient séché un
peu. Gilles tira la porte et laissa passer sa mère et ses soeurs devant lui.
93 L'église
Saint-Vincent-de-Paul était imposante. Ses murs et ses parquets étaient
recouverts de marbre. Sa voûte illustrée de scènes bibliques était soutenue par
d'énormes piliers du même matériau. Elle était largement éclairée par les longs
vitraux colorés et sentait l'encens.
De chaque côté,
il y avait trois confessionnaux en bois foncé où plusieurs générations de
paroissiens étaient venues s'agenouiller pour demander le pardon de leurs
fautes. A l'avant, le choeur était protégé par une sainte table. Flanqué d'un
autel dédié à la Vierge et d'un autre consacré à Saint-Vincent-de-Paul, l'autel
principal était installé en haut d'une demi-douzaine de larges marches.
L'endroit dégageait une majesté qui incitait au recueillement. Au moment où
Gilles refermait la porte derrière lui, l'organiste plaquait les premiers
accords d'un hymne que la chorale paroissiale allait entonner quelques minutes
plus tard, durant le service divin.
Maintenant, des
fidèles de plus en plus nombreux envahissaient les lieux.
La mère de
famille se dirigea vers l'allée centrale en poussant les siens devant elle.
— On va se mettre
en avant, chuchota-t-elle.
— On n'est pas
obligés d'aller se mettre dans les premiers rangs, protesta Denise à voix basse
au moment où elle s'arrêtait devant le bénitier pour y
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