A l'écoute du temps
présenter à mes parents, dit-elle au jeune homme.
Ce dernier retira
ses caoutchoucs, déboutonna son paletot et enleva son chapeau avant de la
suivre dans l'étroit couloir qui conduisait à la cuisine. Denise était gênée de
la pauvreté de l'appartement familial. Il ne lui avait jamais semblé aussi
étriqué. Elle aurait aimé que toutes les portes des chambres soient fermées
pour que son invité ne voie pas en passant le pauvre mobilier qu'elles
contenaient. Même pas de salon où le faire asseoir.
Quand Serge Dubuc
pénétra dans la cuisine à sa suite, son père et sa mère se levèrent pour le
saluer. Le jeune homme serra la main du père et de la mère de Denise en
rougissant légèrement.
— Assoyez-vous
une minute, offrit Laurette, favorablement impressionnée par ce grand jeune
homme bien mis et bien éduqué. Enlevez votre manteau. Il fait pas mal chaud dans
la maison.
— Merci, madame,
fit Serge en s'assoyant à côté de Denise après avoir retiré son paletot bleu
marine.
Durant quelques
minutes, l'invité dut répondre aux questions de Gérard et de Laurette sur sa
famille et sur lui-même.
— Bon. Il faudrait
ben y aller, finit par dire Denise en se levant. On va arriver en retard.
— Reviens pas
trop tard, commanda Laurette au moment où les deux jeunes gens s'apprêtaient à
sortir.
— Je vais vous la
ramener jusqu'à votre porte dès la fin du film, promit Serge Dubuc avec un
grand sourire.
— Je vous fais
confiance.
Quand Denise et
son ami eurent quitté la maison, les jeunes revinrent dans la cuisine.
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— Puis, qu'est-ce
que t'en penses? demanda Laurette à son mari.
— Il m'a l'air
d'un bon petit gars, répondit Gérard, sans trop se compromettre. De toute
façon, il est pas encore question qu'il fréquente Denise. Il l'a juste invitée
à aller voir un film.
— S'il commence à
venir la voir les fins de semaine, m'man, est-ce que ça veut dire qu'on va être
obligés de passer nos soirées enfermés dans nos chambres? demanda Richard,
impudent.
— Ce serait
peut-être pas une mauvaise idée pantoute, répondit sa mère. Ça te reposerait et
nous aussi...
Chapitre 12 La
voiture d'Armand La veille de Noël, le thermomètre indiqua -18 °F, donnant à la
glace la dureté de la pierre. Un fort vent du nord rendait le froid encore plus
mordant et difficile à supporter. Pour la première fois depuis le début de
l'hiver, Gérard dut surchauffer au point de faire rougir la fournaise du
couloir. Les vitres des fenêtres de l'appartement mal isolé de la rue Emmett
étaient totalement obstruées par le givre et une mince pellicule de glace
couvrait les plinthes au bas des murs de la cuisine.
— Une chance que
j'ai plus à jouer au père Noël, dit Gérard à sa femme ce soir-là. Me vois-tu en
train de m'habiller dans le hangar avec un froid pareil?
— T'en es pas
mort, lui fit remarquer Laurette, un peu nostalgique. Si je me souviens ben, il
y a eu des veilles de Noël où on a gelé presque autant qu'à soir.
Le souper
terminé, les Morin s'étaient empressés de placer sous l'arbre les cadeaux qui
seraient déballés au retour de la messe de minuit. La table avait été dressée
pour le réveillon. En cette fin de soirée, les enfants finissaient de se
préparer pour assister à la messe pendant que leurs parents buvaient un verre
de boisson gazeuse dans la cuisine uniquement éclairée par le sapin de Noël.
Ils écoutaient
les airs de Noël diffusés par CKAC. Après le Jingle bell de Perry Como et le
White Christmas de Bing 271 Crosby, ils avaient eu droit à la complainte de La
Charlotte prie Notre-Dame et au Minuit, Chrétiens interprété par Yoland
Guérard. La soirée était calme et reposante.
— Je pense que
c'est le soir de l'année que j'aime le plus, dit Laurette à son mari. Ça me
rappelle tellement de beaux souvenirs.
Cette veille de
Noël lui rappelait l'époque où les enfants, excités par la perspective d'avoir
des étrennes dans quelques heures, étaient mis au lit dès sept heures, avec
interdiction expresse de se lever. Si l'un d'eux tardait trop à s'endormir, on
le menaçait d'être privé de la visite du père Noël. Après la messe, Gérard
endossait en grelottant dans le hangar son vieil habit de père Noël qui sentait
toujours un peu la naphtaline et il attendait que Laurette abaisse le store de
la fenêtre de la cuisine pour venir sonner
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