A l'ombre de ma vie
père me dit que le président a été
formidable ; il leur a accordé plus d’une heure !
— Il a réagi en père de famille.
Mon père est touché. Le président de la République sait qui
je suis maintenant, il va pouvoir m’aider et me sortir de là, c’est certain.
Nous sommes le mercredi 7 mai, il n’y a même pas deux semaines que ma
condamnation m’a été notifiée.
— Attention, il ne nous a pas fait de promesses
précises, mais il nous a assuré qu’il veillerait à ce que tu aies un procès en
appel équitable et rapide, dit ma mère.
Elle veut garder son calme, mais je sens bien qu’elle a
retrouvé confiance, elle aussi :
— Maintenant, ton dossier sera suivi de près.
À la sortie de cet entretien, ils donnent une nouvelle
conférence de presse, cette fois dans la cour de l’Élysée. Il y a encore
beaucoup de journalistes, encore plus de presse nationale que la première fois,
et aussi la chaîne de télévision mexicaine Televisa. Devant les caméras, Frank
Berton et Thierry Lazaro insistent sur le message de Nicolas Sarkozy : il
est extrêmement déterminé, mais il rappelle que le Mexique est un pays
démocratique, sa justice y est indépendante. Il ne faut surtout pas froisser
les autorités mexicaines, ont dit les conseillers du président. Du fond de ma
cellule, j’ai le droit d’en penser ce que je veux ; mais, après tout, si
c’est ainsi qu’ils comptent me ramener chez moi…
J’apprends tout ça à mon réveil. C’est déjà l’après-midi, en
France. J’attends le soir et j’appelle Frank Berton chez lui. Il m’a donné son
numéro personnel. Je sens qu’il est fatigué mais content :
— Le président avait lu en détail la note que je lui
avais envoyée la veille. Il a tout de suite relevé le problème du montage de
votre arrestation. Il a évoqué tous les problèmes de procédure et toutes les
invraisemblances de l’accusation avec son conseiller pour les affaires
judiciaires le plus proche.
Je l’écoute raconter cette incroyable entrevue à l’Élysée,
et mon cœur bondit parce que j’entends ce qui compte le plus pour moi. Au beau
milieu de l’entretien, Nicolas Sarkozy s’est tourné vers ma mère et, la
regardant droit dans les yeux, lui a dit : « Je sais que votre fille
est innocente. »
Bien sûr, il a précisé aussi que les relations diplomatiques
entre les deux pays seraient un intérêt supérieur à mon cas personnel, mais son
soutien semble total. Maître Berton me dit qu’en quelques jours mon dossier a
pris une véritable ampleur, qu’il va soulever l’opinion publique, un peu comme
pour Ingrid Bétancourt, toujours prisonnière dans la jungle colombienne et pour
laquelle Nicolas Sarkozy s’investit beaucoup.
— Le président va nous aider, Florence. Pas à démontrer
votre innocence, ça, c’est mon travail.
Mais il veillera à ce que les choses se passent de manière
équitable, ce qui n’a pas toujours été le cas jusqu’ici.
Et puis, avant de les laisser s’en aller, il leur a fait une
promesse qui me transporte : « Je vais écrire personnellement à
Felipe Calderón. »
Tout cela n’échappe pas à la presse mexicaine. De nouveau,
quelques articles parlent de moi, dans les journaux. On dirait qu’ils sont plus
neutres qu’au début, moins catégoriques. En revanche, je n’ai toujours pas de
nouvelles de l’ambassade, mais c’est une habitude. Maître Berton m’a d’ailleurs
dit que le président Sarkozy n’était pas content d’apprendre mon histoire de
cette manière. Ses conseillers ont avoué qu’ils n’avaient reçu qu’un minimum de
notes, au travers desquelles il était difficile de comprendre ce qui
m’arrivait, et qu’ils n’avaient pas de trace de compte rendu de mon procès.
Cela n’a rien de surprenant : je n’ai jamais vu le moindre représentant
des autorités consulaires, au procès. Ils devaient être persuadés de ma
culpabilité, eux aussi, et se disaient sans doute que je n’avais que ce que je
méritais. Maintenant, ils vont sans doute le regretter : à l’Élysée, les
hommes du président ont dit : « Il n’est pas normal que cette affaire
nous pète à la gueule de cette manière. »
Je n’ai pas le temps de me laisser griser. J’ai bien compris
qu’on me demande de ne pas être euphorique, et d’ailleurs j’ai dépassé ce
stade. La douche glacée de ma condamnation a laissé un souvenir douloureux.
Mais il n’y a plus le moindre risque
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