À l'ombre des conspirateurs
frit ! Ne te sens pas obligé de poser les mains sur elle, non plus !
Nous nous étions arrêtés à un coin de rue, et nos yeux échangeaient des éclairs. Je fis la grimace en remarquant la nouvelle teinte de cheveux d’Helena.
— Tu es tombée la tête la première dans un bain pour moutons, ou tu commences à rouiller ?
— Ça s’appelle « brun roux égyptien ». Tu n’aimes pas ?
Je détestais, et voulais le lui faire savoir.
— Du moment que ça te plaît. Tu essayes d’impressionner quelqu’un ?
— Non, ça fait simplement partie de ma nouvelle vie.
— Qu’est-ce qui n’allait pas avec l’ancienne ?
— Toi, principalement.
— J’aime les filles franches, mais tout de même ! Tiens, on arrive au tribunal, grognai-je. Je vais me faufiler à l’intérieur et dire au juge qu’une carotte égyptienne vient le voir. Ensuite, je rentrerai charmer sa sœur avec mes arpèges !
Helena Justina poussa un soupir. Elle posa la main sur mon bras pour me retenir.
— Inutile de le déranger. C’est toi que je suis venue voir.
J’attendis qu’elle lâche mon bras avant de me retourner.
— Ah, bon ? Et pourquoi ?
Le regard troublé de ses grands yeux espacés me ramena tout de suite à la raison.
— Difficile à définir… Sans l’avoir vu, j’ai l’impression que quelqu’un est installé à la villa.
— Qu’est-ce qui te fait dire ça ?
— Des voix d’hommes quand Marcellus devrait être couché. Des regards échangés par les domestiques…
— Ça t’inquiète ? (Elle haussa les épaules. La connaissant, elle était surtout furieuse du rôle qu’on lui faisait jouer. Ayant tout l’après-midi devant moi, je lui demandai immédiatement :) Comment rentres-tu ?
— Je suis venue avec un intendant de Marcellus qui…
— Ne t’occupe plus de lui. Je te ramène.
C’était ce qu’elle attendait. Nous empruntâmes la mule de l’intendant, en laissant un mot pour le prévenir. Je préfère que mes passagères s’assoient devant moi, mais elle insista pour monter derrière. Je laissai la mule partir au petit trot, car pour ne pas tomber, Helena Justina devait m’agripper fermement par la taille. Malheureusement, après avoir tourné dans le chemin privé de Marcellus, mon plan se déroula autrement que prévu. Je dus arrêter la mule sur une demande pressante d’Helena. Sans me laisser le temps de la soulever, elle se laissa glisser à terre dans un chiffonnement de tissus blancs qui dévoila les deux plus longues jambes de toute la Campanie. Penchée au bord du chemin, elle se mit à vomir.
Alarmé, je sautai de la mule à mon tour. Perdue dans le harnachement fantaisiste, je trouvai une gourde d’eau.
— Si tu savais comme je te hais, Falco ! Tu l’as fait exprès…
Je ne l’avais jamais vue si malade, à en éprouver une vraie frayeur. Je la conduisis jusqu’à une borne et l’aidai à s’asseoir, avant de lui tendre la gourde.
— Tu te sentiras mieux si tu arrêtes de crier après moi.
Me maudissant, je défis le foulard que j’avais autour du cou, et le mouillai pour lui tamponner le visage et la gorge. Brûlante, elle avait les lèvres pincées et une expression hagarde. Elle restait assise la tête entre les mains, tandis que je me penchais anxieusement sur elle.
Au bout d’un moment, elle retrouva une respiration normale et me regarda tristement. Je donnai une petite pièce à un jeune garçon qui travaillait dans le vignoble, en lui demandant de conduire la mule jusqu’à l’écurie.
— On rentrera à pied, quand tu te sentiras mieux.
— Essayons.
— Non, reste assise encore un peu.
Elle céda avec un sourire fragile. J’aurais dû placer mes bras autour d’elle, mais je présumai qu’elle n’en avait guère envie.
— Falco, je t’en prie ! Secoue-toi ! On dirait un caneton qui a perdu sa mère. Parle-moi plutôt de ta vie à Herculanum. Elle te plaît ?
— Pas du tout. Cette maison respire la tristesse.
— Rufus y reste le moins possible, et Fausta passe son temps à y broyer du noir. Pourquoi as-tu accepté de t’y installer ?
— D’abord pour gagner un peu d’argent. Ensuite, Æmilia Fausta pourrait m’amener jusqu’à Crispus.
— Séduire pour espionner… Mais c’est immoral ! s’époumona-t-elle.
— C’est très pénible de séduire pour son travail, même quand il s’agit de la sécurité de l’État !
— Quand tu m’as séduite, demanda méchamment
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