À l'ombre des conspirateurs
nouveau malade. Cela m’inquiétait énormément. J’insistai pour rester avec elle jusqu’à ce qu’elle fut confortablement allongée sur un lit de repos, à l’ombre d’une longue colonnade, et qu’on lui eût apporté une tisane de bourrache bien chaude.
Je m’attardai en jouant au visiteur. Helena renvoya les esclaves, et je lapai délicatement ma bourrache en tenant mon bol entre le pouce et deux doigts, comme la personne bien élevée que j’étais. Une fois ma bouche convenablement ébouillantée, je reposai le bol et m’étirai en regardant autour de moi. De nombreux jardiniers s’activaient, un râteau à la main, autour d’une haie de mimosas. Concentrés sur leur travail, ils ne relevaient jamais la tête. Quelque part, une femme grattait le sol en chantant d’une voix rauque. Je versai encore un peu de tisane à Sa Grâce à l’aide d’une passoire conique. Nonchalamment installé à côté d’elle, je regardai les ronds de vapeur s’élever dans l’air…
Tout paraissait serein dans la grande maison, les domestiques vaquant paisiblement à leurs occupations quotidiennes. Je posai brièvement la main sur l’épaule d’Helena, avant de m’éloigner à la façon d’un homme timide qui répond à l’appel de la nature.
L’entraîneur de chevaux avait éveillé mon intérêt. Je fis le tour des bâtiments dans l’espoir de le trouver. Les écuries se divisaient en deux parties distinctes : un vieux bâtiment réservé aux carrioles et aux mules, et une construction très récente paraissant réservée à une activité plus noble. Selon mon habitude, je parvins à m’introduire dans les lieux sans me faire remarquer.
Sans nul doute, Pertinax et Barnabas avaient gardé leurs pur-sang ici. La sellerie abritait une statue équine en argent, semblable à celles de la maison de Pertinax à Rome. Presque tous les box étaient vides, mais les deux chevaux que nous avions aperçus à l’exercice transpiraient dans des stalles adjacentes. Ils venaient d’être bouchonnés par un homme robuste qui balayait les lieux.
— Salut ! criai-je, comme si j’avais la permission de me trouver là.
Sans répondre, l’homme s’appuya à son balai et m’observa d’un air rusé.
Je m’avançai vers les deux chevaux et fis semblant de m’y intéresser.
— C’est bien ces deux-là que Pertinax avait à Rome ?
Je déteste les chevaux. Ils sont capables de vous marcher dessus, et même de se rouler sur vous, en vous brisant les jambes et les côtes. Si vous leur offrez quelque chose à grignoter, ils en profitent pour vous avaler les doigts. Je les traite avec autant de suspicion que les homards, les guêpes, et les femmes qui se vantent de leurs prouesses sexuelles. Tous peuvent vous infliger de cruelles blessures.
L’un des deux, néanmoins, paraissait plus sympathique. Doté d’une extraordinaire couleur violet foncé, et débordant d’une saine énergie il dressait fièrement le cou.
— Salut, mon garçon…
Tout en caressant cette beauté, je jetai un coup d’œil à son compagnon. Le garçon d’écurie hocha la tête pour indiquer qu’il partageait ma commisération envers cette pauvre carne. L’animal n’en tendit pas moins la tête vers moi, jaloux de l’attention que recevait son voisin.
— Une merveille. Il s’appelle comment ?
— Ferox. Il lui arrive d’être nerveux. Petit Chéri le calme.
— Un futur champion ?
— Possible, répondit-il. Il a 5 ans, et tout ce qu’il faut… Tu t’intéresses aux courses ?
— Non. J’ai été dans l’armée. Quand les légions vont quelque part, elles se déplacent sur leurs propres jambes. Si nécessaire, on loue des bêtes étrangères poilues, à courtes pattes, qui foncent sans hésiter au cœur des combats. À mon avis, un système bon pour la légion l’est aussi pour un citoyen ordinaire !
Il s’esclaffa.
— Bryon, se présenta-t-il.
— Moi, c’est Falco, dis-je en continuant de caresser Ferox pour me donner une contenance. Qu’est-ce que tu fiches là à balayer ? Il n’y a plus de garçon d’écurie ?
— Non, tout a été vendu.
— Quand Pertinax a pris le bateau pour aller chez Hadès ?
Il acquiesça d’un signe de tête.
— C’était sa grande passion, les chevaux. Le vieil homme n’a rien eu de plus pressé que de vendre et les bêtes et les hommes. Il ne supportait plus de les voir.
— Et ces deux-là ?
— Un remords, peut-être. Ferox et Petit Chéri
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