Abdallah le cruel
m’emparais de
lui, il acceptait bien volontiers d’être cloué aux murs de la ville entre un
chien et un porc, mes deux animaux de compagnie favoris. Voici ces missives et
dis-moi si je mens.
— Assurément non.
— J’ai exaucé ses vœux. C’est
ce qu’il est coutume d’accorder à un condamné à mort et tu ne peux m’en tenir
rigueur. Je suis cependant sensible à tes remontrances et, pour te prouver ma bonne
foi, j’ordonne que leurs biens soient donnés non au Trésor mais aux fondations
pieuses que tu me désigneras. De la sorte, en dispensant, une fois morts, le
bien qu’ils ont négligé d’accomplir de leur vivant, peut-être obtiendront-ils
le pardon d’Allah le Tout-Puissant et le Miséricordieux !
Omar Ibn Hafsun apprit avec
consternation la défaite de ses lieutenants. Ce maudit émir était rudement plus
habile qu’il ne le pensait. Dans les villages, Chrétiens et Musulmans
commentaient abondamment son geste de clémence et faisaient bon accueil aux
émissaires envoyés par Mundhir. Plusieurs chefs arabes et berbères avaient
d’ores et déjà abandonné le rebelle et les désertions se multipliaient de jour
en jour. Il fut contraint de se replier avec ses derniers fidèles dans son
château fort de Bobastro, disposant d’importantes réserves de vivres et de
trois sources d’eau situées à l’intérieur de l’enceinte. Sous peu, les fortes
chaleurs réduiraient à l’inaction ses adversaires qui chercheraient tant bien
que mal un abri contre les rayons dévorants du soleil. Il lui suffisait de
patienter quelques semaines et d’attendre l’arrivée des pluies automnales. Le
monarque serait obligé de rebrousser chemin et il ne pourrait lancer une
nouvelle saifa avant le retour des beaux jours. Un matin, les sentinelles
avertirent Omar Ibn Hafsun que la forteresse était entièrement encerclée. Au
loin, il put en effet apercevoir un vaste océan de toile blanche au milieu
duquel s’élevait la luxueuse tente du souverain sur laquelle flottait un
étendard brodé à son nom. À peine installé, Mundhir avait été saisi d’une
violente attaque de fièvre. Il avait contracté ce mal au cours de ses
précédentes campagnes et savait qu’il resterait cloué sur sa couche pendant
plusieurs jours, incapable de faire le moindre mouvement et de donner à ses
officiers les ordres que ceux-ci réclameraient. Démoralisés, les soldats
perdraient tout sens de la discipline et se querelleraient entre eux. Il lui
fallait donner à tout prix le change. Le monarque fit venir Abd al-Aziz Ibn
Raouf qui l’avait suivi jusqu’ici :
— Tu me vois dans un piteux
état et je te prie de garder le silence le plus absolu sur ma maladie.
— Noble seigneur, tu peux
compter sur ma discrétion.
— C’est bien pour cette raison
que j’ai recours à tes services. J’ai apprécié ta loyauté et ton dévouement et
tu as su tempérer ma soif de vengeance en m’expliquant où se trouvait mon
intérêt.
— Mes concitoyens bénissent ton
nom chaque jour et remercient Allah le Tout-Puissant et le Miséricordieux de
leur avoir donné pour maître un homme compréhensif et généreux. Ordonne que
nous récitions des prières pour ton rétablissement et je puis t’assurer que les
mosquées seront trop petites pour accueillir les fidèles.
— Je te l’ai dit, nul ne doit
deviner que mon malheureux corps est consumé par la fièvre. Je te demande de te
rendre auprès d’Omar Ibn Hafsun pour sonder ses intentions. Dis-lui que des
messagers sont partis pour la capitale et que, sous peu, le prince Abdallah me
rejoindra avec des milliers d’hommes et de puissantes machines de guerre qui
ouvriront des brèches dans ses murailles. Explique-lui qu’il ne doit se faire
aucune illusion. Tôt ou tard, il lui faudra se rendre. Plus il me fera
patienter, plus grand sera mon courroux.
— Pardonne cette question. À
tes paroles, je crois deviner qu’une prompte soumission lui vaudrait quelque
indulgence.
— Je n’ai pas entendu ce que tu
viens de dire. Toutefois tes propos traduisent fidèlement ma pensée. Me suis-je
fait comprendre ?
— Tu n’auras pas de meilleur
interprète que moi.
Le vieillard refusa toute escorte
pour l’accompagner. L’oncle du rebelle était son ami et ses propres enfants
avaient joué avec Omar, souvent reçu dans sa demeure. Il n’avait nul besoin de
sauf-conduit et c’est donc d’un pas assuré qu’il gravit, juché sur une mule,
l’étroit
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