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Aesculapius

Aesculapius

Titel: Aesculapius Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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qui voulait garantir un enterrement chrétien à Séraphine ? Séraphine ne s’était confiée qu’à une seule personne après son agression : Jean. Elle avait éludé, biaisé lorsqu’Annette lui avait ensuite rendu visite afin de lui extorquer quelques précisions. Pourquoi, si ce n’était parce qu’elle détenait une affolante révélation à livrer uniquement au chef de village. Pourquoi, pourquoi, pourquoi ?
    Non, qu’allait-elle imaginer ? Était-elle bien folle ? Cela ne se pouvait ! Jean n’avait rien à voir dans tout cela !

    Le claquement sec du gobelet qu’elle reposa la surprit. Sans même qu’elle s’y décide, elle traversa la vaste cuisine et se dirigea vers l’étude de son mari.
    La clarté lunaire inondait la pièce par les fenêtres vitrées, dessinant avec netteté les silhouettes familières des bibliothèques, de la grande table de travail, du fauteuil à dossier sculpté – celui de Jean –, de l’escame recouverte d’une tapisserie champêtre sur laquelle Annette s’installait lorsqu’elle tenait compagnie à son époux. Elle récupéra la clef du tiroir de la table dans sa cachette, au fond d’une corne à encre fendue que son époux avait conservée parce qu’elle avait appartenu à son père.
    Elle introduisit la clef dans la petite serrure et hésita. Qu’avait-elle besoin de savoir ? Lui revinrent en mémoire ces contes pour fillettes où la curiosité des femmes était sévèrement punie par un renversement de situation. Une brutale certitude la convainquit : si elle redoutait d’apprendre la vérité, cela signifiait qu’elle avait déjà jugé Jean coupable de quelque chose.
    Elle ouvrit alors le tiroir dans lequel il rangeait au soir son livre de comptes, quelques papiers précieux et ses plumes. Sous le gros registre de cuir noir, deux lettres, toutes deux du baron ordinaire Herbert d’Antigny. S’approchant de la fenêtre afin de jouir de la clarté lunaire, elle lut d’abord la plus longue, s’y reprenant à deux fois tant son contenu lui parut ahurissant, atterrant même.

    « Bien dévoué Jean,
    Croyez que je comprends toute l’ampleur de votre conflit de conscience. Il est à votre honneur et j’aurais été déçu, pour ne pas dire inquiet, qu’il en soit différemment. Toutefois, vous venez d’entrer dans le véritable jeu politique. Il ne se peut concevoir sans sacrifices ni décisions qui heurtent la morale commune. L’on doit se rassurer en songeant que l’on œuvre pour le bien du plus grand nombre. Imaginez-vous votre village sous domination angloise, ou autre ? Quel serait alors le sort réservé à votre famille, à toutes celles dont vous avez la charge puisqu’elles ont placé leur confiance en vous ? C’est du reste ce qui m’a encouragé à vous offrir le bailliage de Saint-Ouen-en-Pail et environs, dès que la situation politique se sera éclaircie pour le bénéfice de tous. L’on vous y tient en grande estime, et celle-ci est justifiée.
    Vous le savez aussi bien que moi. Ma tante Béatrice ne serait jamais devenue seigneur sans un fâcheux concours de circonstances. Femelle, elle n’en a ni les capacités ni l’expérience requise.
    Quant au témoignage de cette ongle-bleu que vous m’avez relaté, vous comprendrez, cher Jean, qu’il ne se peut répandre à aucun prix. Votre offre financière n’ayant pas séduit cette pauvresse obstinée, je ne sais que vous conseiller à son sujet. Il est cependant évident qu’une presque gueuse ne saurait faire échouer un plan que nous avons mis des mois à établir et qui portera bientôt ses fruits.
    Croyez, cher Jean, que mes vœux de réussite vous accompagnent. La forme étant impérative afin de nous défendre de toute accusation de complot, il vous faut continuer à œuvrer en délicatesse pour que le conseil de village entier me supplie d’intervenir. Nous renverserons alors Béatrice et il ne sera que de juste et de bon.
     
    Votre seigneur reconnaissant et attentif,
    Herbert d’Antigny. »

    La missive glissa des doigts d’Annette. Elle chut sans hâte au sol, formant une tache blanche sur l’ombre des dalles de pierre. Ses jambes se dérobèrent et elle se laissa aller contre le mur de crainte de tomber. Un vide vertigineux avait pris son cerveau d’assaut. Un cauchemar. Il ne s’agissait que d’un cauchemar et elle allait se réveiller dans sa couche contre Jean. Le sifflement inquiétant et péremptoire d’une dame blanche la fit sursauter. Un

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